Sevrer correctement est probablement la tâche la plus difficile des opérations réalisées en production porcine.
Il y a différents facteurs influençant le choix de l'âge au sevrage des porcelets. Nous avons déjà évoqué dans un premier article le type de logement et l'alimentation avant et après le sevrage; dans cette publication, nous abordons le rôle du profil sanitaire de l'élevage, l'impact sur la fertilité et la fécondité, l'impact du poids au sevrage sur la croissance future et les répercussions sur le bien-être animal.
Profil sanitaire de l'élevage
Au cours des dernières années, on a beaucoup fait usage du sevrage précoce comme système pour contrôler les maladies. Le principe de base est que si les porcelets sont sevrés dans un environnement propre, alors qu'ils sont sous la protection de l'immunité passive d'origine colostrale, les infections ne pourront pas s'installer.
Deux facteurs importants entrent en jeu: le premier est la quantité de colostrum consommée pendant les 36 premières heures de vie et le second est le niveau et le type d'agents infectieux prévalents dans l'élevage. La séparation précoce du porcelet de la truie ne prévient pas certaines infections comme Streptococcus suis ou le virus SDRP, mais par ailleurs, il peut permettre d'éviter des infections par Mycoplasma hyopneumoniae, Pasteurella multocida et Actinobacillus pleuropneumoniae. Pour ce qui concerne Haemophilus parasuis, Bordetella bronchiseptica et Actinobacillus suis, les effets sont "intermédiaires".
Pour que le sevrage précoce soit un système efficace de contrôle des maladies, il est nécessaire d'avoir des installations permettant un bon "tout plein - tout vide" avec les systèmes d'alimentation et de rationnement les plus adaptés. Il est probablement aussi nécessaire de prendre d'autres mesures pour contrôler les infections dues à des agents précoces et "intermédiaires"; cela nous conduit à nous interroger sur l'effort réalisé sur l'ensemble de l'élevage si on prend en compte les coûts que ce type d'installation suppose ainsi que les changements du système de nutrition.
Impact sur la fertilité et la fécondité
Si la lactation dure moins de 14 jours, l'utérus de la truie n'aura pas eu le temps d'avoir une involution complète avant l'apparition de l'œstrus. Dans des conditions normales, cela demande 28 jours environ. Dans la majorité des élevages, il y a une forte corrélation négative entre la durée de la lactation et les intervalles sevrage-œstrus et sevrage-saillie fécondante. Il est probable que cela a une relation avec l'absence d'involution utérine et aussi avec le fait que les truies n'aient pas suffisamment la possibilité d'ingérer suffisamment d'énergie pendant des périodes de lactation trop courtes.
De plus, il y a une forte corrélation négative entre des intervalles sevrage-œstrus prolongés et la taille future de la portée.
On a abandonné pour ces raisons les systèmes de sevrage précoce au cours des années 60-70. Les élevages qui ré-introduisirent le sevrage précoce dans les années 90 pour contrôler les maladies se rendirent bien sûr compte que la productivité des truies diminuait.
Les éleveurs se fient souvent seulement au % de mise-bas ; ils doivent aussi prendre en considération d'autres paramètres. Parmi ceux-ci, il y a le nombre de porcelets nés vivants par truie et par an ainsi que le pourcentage de mortalité totale des nés vivants entre la naissance et 30 kgs de poids vif.
Impact du poids au sevrage sur la croissance future
Il est probable que le poids à la naissance a plus d'influence sur le taux de croissance que le poids au sevrage, tout au moins si on considère les porcs de façon individuelle. Cependant, des travaux réalisés à l'Université d'Edimbourg ont montré que les taux de croissance post-sevrage, mesurés pendant le temps employé à doubler leur poids vif moyen, sont positivement corrélés avec le poids au sevrage et qu'ils peuvent varier de 450 g/jour avec un poids initial de 6 kg. à 760 g/jour avec un poids initial de 12 kg.
D'autre part, le nombre de jours nécessaires pour atteindre le poids d'abattage est négativement corrélé avec le taux de croissance précoce, ce qui veut dire que plus les porcelets sont lourds au sevrage, moins la période de croissance est longue. Mais les meilleurs taux de croissance ne sont pas nécessairement corrélés avec un plus grand âge au sevrage, bien qu'il soit bien sûr plus probable que les porcelets les plus âgés au sevrage pèsent plus lourd que les plus jeunes.
Dans les élevages commerciaux, on a fréquemment constaté que les porcs sevrés à 28 jours atteignent leur poids d'abattage plus vite que les sevrés à 21 jours mais cela peut aussi être dû au fait que les équipements et les conditions soient moins adaptés pour des porcelets plus jeunes.
Considérations sur le bien-être animal
L'évolution politique de la société a conduit à fixer un âge minimum pour sevrer les porcs. La dernière version de la Convention Européenne pour la Protection animale (Avril 2001) organisée par la Commission Permanente demande un âge minimum au sevrage de 4 semaines alors que le Conseil de l'Europe demande 3 semaines. Il y a des dérogations permettant de sevrer les porcelets à des âges inférieurs à ceux indiqués tels que les circonstances "compromettant le bien-être de la truie ou celui de la portée si on ne mène pas un sevrage précoce".
Il est évident que les politiques essaient d'empêcher l'utilisation en routine du sevrage précoce et qu'ils n'ont pas toujours pris en compte des critères scientifiques pour prendre leurs décisions. L'opinion des vétérinaires ne doit être en désaccord avec celle des politiques que s'il existe dans les élevages les conditions adaptées pour sevrer correctement des porcs de moins de 21 jours.
On a démontré qu'on ne compromet pas le bien-être animal dans les situations où le sevrage précoce est correctement réalisé.
Conclusions
Les porcelets peuvent ingérer de l'aliment solide depuis l'âge de 10 jours mais il est difficile de leur administrer une quantité importante avant environ 21 jours, âge où les systèmes enzymatiques du pancréas sont complètement développés.
Par ailleurs, les coûts permettant de procurer aux porcs les conditions nécessaires au sevrage précoce sont élevés si on les compare au "coût de production" du lait de truie.
Du point de vue sanitaire, il semble qu'il y a peu d'avantages à sevrer précocement, d'autant plus qu'il est bien démontré que les inconvénients liés à la fertilité et à la fécondité sont accrus.
Par conséquent, le point d'équilibre concernant l'âge au sevrage entre 21 et 28 jours.
A quel âge sevrer les porcelets ? - 2ème partie
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