Description de l’élevage
Il s'agit d'un élevage breton naisseur-engraisseur de 250 truies. Il est en claustration sur caillebotis intégral avec ventilation dynamique en dépression.
Cet élevage est conduit en 5 bandes avec sevrage à 4 semaines d’âge.
Statut sanitaire
L’élevage est positif SDRP et connaît des problèmes inconstants de diarrhée néonatale. L’engraissement présente une sensibilité respiratoire en dents de scie.
Les vaccinations pratiquées sont :
Cochettes et truies | Pavovirose, Rouget, Rhinite, Colibacilose, Grippe, SDRP vivant. |
Issues | Mycoplasme en une seule injection à 3 semaines d’âge. |
Motif de l'appel
L’éleveur constate en novembre 2005 ce qu’il appelle de la maladie de l’œdème entre 4 et 8 semaines d’âge. L’œdème est nettement observé par l’éleveur. Il déforme littéralement la face des porcelets et s’accompagne de titubations, de coups de flancs et de mortalité.
Les traitements (essentiellement colistine par voie orale et IM, et amoxicilline par voie orale) pratiqués ne donnent pas de résultat, 15 à 30% des animaux sont atteints selon les bandes et les pertes s’élèvent à 6% en post-sevrage.
7 porcelets sont adressés au laboratoire pour autopsie. Rien de spécifique ne permet de relier les différents animaux observés.
En résumé les tableaux nécropsiques peuvent être mis en relation avec de la streptococcie, une pathologie à haemophilus, ou de la maladie de l’œdème. Aucun agent bactérien majeur n’est isolé.
Visite de l'élevage et hypothèses
Visite de l'élevage
La visite d’élevage réalisée au printemps 2006 permet, entre autres éléments, de relever que les porcelets atteints présentent progressivement :
- une déformation en ‘suros’ d’un zygomatique, chaude au toucher
- cette déformation évolue en une boule, d’abord ferme puis molle
- une ponction dans cette boule révèle la présence de pus.
- il s’agit donc d’abcès de la face de porcelets.
- ces abcès se localisent majoritairement à une des régions zygomatiques des porcelets, et moins fréquemment au chanfrein.
Ecole
Nationale Vétérinaire de Nantes |
Hypothèses probables
L’hypothèse principale retenue est celle d’une contamination ascendante suite à la coupe des dents.
L’arrêt de la coupe des dents sur quelques portées les moins nombreuses est recommandé le jour de la visite afin de vérifier s’il y a un lien avec les abcès.
Pour les autres portées, la recommandation est de travailler avec deux pinces : l’une trempe dans un désinfectant dilué pendant que l’autre sert aux soins d’unes portée, et les pinces sont échangées à la portée suivante.
D’autres hypothèses sont émises, avec la difficulté d’être moins facilement explorables :
· Bagarres et morsures.
· Chocs du front et des pommettes à l’abreuvoir (fontaines en post sevrage) mais ces abcès apparaissent également sous la mère le jour de la visite.
D'autres problèmes ont été rencontrés le jour de la visite : diarrhée néonatale, coccidiose et streptococcie en post-sevrage.
Examens complémentaires et explications
Examens complémentaires
Ces examens complémentaires ont été réalisés en octobre 2006, suite à la non observation des recommandations précédentes (expliquée au paragraphe "évolution du cas").
Deux têtes de porcelets sont prélevées à 4 (tête n°2 : suros) et 8 (tête n°1 : abcès sous cutané joue droite) semaines d’âge. Elles sont autopsiées à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes (ENVN).
Les têtes sont sciées horizontalement pour séparer les maxillaires afin de réaliser des radiographies sans superposition d’images.
Sur le porc n°1 : abcès sous-cutané et dentaires (incisive I3 et prémolaires PM 2 et 3)
Sur le porc n°2 : pas d’anomalie relevée à la radiographie.
Ecole
Nationale Vétérinaire de Nantes |
Sur le porc n°1: l’abcès sous-cutané ne présente pas de fistule. Une coupe transversale du groin au niveau de l’incisive I3 permet de visualiser l’abcès dentaire.
Ecole
Nationale Vétérinaire de Nantes |
Les bactéries isolées de l’abcès dentaire sont des contaminants ordinaires de l’environnement : Enterobacter agglomerans , Corynebacterium sp , Pseudomonas sp.»
Conclusion du laboratoire
Conclusion du Département de Santé des Animaux d’Elevage de l’ENVN : |
« Hypothèse d’une contamination ascendante (probablement à l’occasion de la coupe des coin et canine) conduisant à la formation d’abcès (dentaire et sous-cutané) par diffusion locale des bactéries. La présence de l’abcès de la face qui s’est développé indépendamment d’un lien visible avec les dents peut aussi résulter de morsures consécutives à des batailles.» |
Evolution du cas
L’incidence des abcès est en diminution à la fin du printemps 2006 avec 13% de porcelets atteints.
Dans un premier temps, la recommandation de ne pas couper les dents à quelques portées témoin n’est pas suivie. En effet, une expression clinique importante de SDRP apparaît au cours de l’été 2006 en post sevrage et des mesures de marche en avant et de vaccination sont mises en place en octobre 2006.
Les dents des porcelets ne sont pas coupées à 7 portées témoin nées en octobre 2006 et l’éleveur n’a pas vu d’abcès se former. Cette observation est à moduler par le fait que l’attention de l’éleveur a été mobilisée par les mesures de lutte contre le SDRP. D’autres portées témoin sans coupe des dents vont être surveillées. L’incidence des abcès sur les autres porcelets de la même bande est en baisse avec 8% de porcelets atteints. La donnée "pertes en post sevrage" reflète peu cette évolution : elle n’a pas baissé au cours de l’été et de l’automne 2006 (6%), mais semble être en nette amélioration fin novembre et début décembre (<4%).
Commentaires
Ce cas clinique décrit un épisode d'abcès dentaires sur des porcelets. Ce cas clinique n’est pas terminé, et le résultat n’est pas spectaculaire. Il est tout de même intéressant car il fallait s’adapter à une situation totalement inattendue malgré un motif d’appel classique.
Cela a été un bon apprentissage des efforts de persuasion à accomplir : recommandations non suivies dans un premier temps malgré le fait d’être moi-même convaincu et l’impression d’avoir été convaincant.
La principale conclusion est qu’il est difficile de conduire une investigation sur une maladie lorsque s’ajoutent d’autres problèmes graves, une re-circulation de virus SDRP dans ce cas-ci.
Les autres conclusions en découlent : gestion d’un problème mono- ou polyfactoriel ? Quelle est la part relative de chaque problématique ? Le premier motif d'appel est resté un sujet d'intérêt personnel quand la re-circulation SDRP est apparue. La difficulté a été de motiver l'éleveur sur les deux fronts simultanément, ce qui a été un échec, son attention se portant principalement sur le SDRP.
Dr Florian VOISIN
Vétérinaire
56 - PONTIVY