La truie d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier …
Einstein a déjà parlé de la relativité du temps dans sa célèbre théorie. La dimension du « pas » du temps concerne aussi les truies. On a beau s'obstiner, on ne peut pas conduire une truie "moderne" de la même manière qu'on le faisait auparavant.
La truie avec laquelle on travaille aujourd'hui n'a rien à voir avec celle que l'on avait il y a 30 ans.
En 1999 déjà, J. Boyd présentait les différences clefs entre ces deux truies.
Il y a 25 ans | Aujourd'hui | ||
% Maigre | 45 | 55-60 | |
% Gras | 27 | 15-18 | |
P2 (mm) 1er saillie | 30-35 | 18-20 | |
Gain moyen quotidien (g/j) | 200 | 340 | |
Poids vif à la première MB | 195 | 250 | |
J Boyd, 1999 |
L'avance génétique a été spectaculaire dans les dernières années. On a progressé pour obtenir des truies toujours meilleures, plus prolifiques, qui sèvrent plus de porcelets … mais malheureusement l'avance génétique n'a pas pris en compte de la même façon des caractéristiques comme le niveau de graisse de l'animal ou sa capacité de récupération après la mise-bas.
Cela nous a mené à avoir des truies de plus en plus maigres, avec une couverture graisseuse plus faible et, par conséquent, plus délicates à manager.
C'est pour cette raison que si on ne considère pas l'alimentation comme un élément clef, on échouera fatalement dans la conduite de ces truies.
Avoir des truies plus prolifiques suppose d'avoir des animaux avec des besoins supérieurs au niveau nutritionnel de base et par conséquent plus exigeants ; ce n'est pas la même chose de conduire une gestation de 11 fœtus qu'une gestation de 18. Les besoins énergétiques, protéiques ou les besoins finaux d'aliment seront très différents.
11 porcelets | 18 porcelets | différence | |
Poids du fœtus (kg) | 16,5 kg | 25,2 kg | + 8,7 |
Besoins en énergie (EM) | 80,85 MJ | 123,48 MJ | + 42,63 |
kg d'aliment (3.000 Kcal ED) | 6,71 | 10,24 | + 3,53 |
kg d'aliment/jour de gestation | 60 g/j | 90 g/j | + 30 g/j |
Besoins en protéines | 2.475 g | 3.780 g | 1.305 g |
Besoins d'aliment (14% MAT) | 17,68 kg | 27 kg | 9,32 kg |
Aliment/jour de gestation | 160 g/j | 240 g/j | + 80 g/j |
Yannig Le Treut, 2006 |
On ne soulignera pas les besoins nutritionnels spécifiques de cette phase; on insistera seulement sur certains aspects pratiques qui nous aideront à améliorer la conduite en saillie.
Le contrôle comme base de l'alimentation
Appliquer le bon sens commun n'est pas toujours une tâche facile au jour le jour en élevage ; on doit l'utiliser pour le contrôle de l'alimentation afin de contrôler la condition corporelle des truies.
Connaître l'état d'engraissement est essentiel si on veut éviter d'avoir des truies trop grasses ou trop maigres, ajuster la quantité d'aliment et obtenir leur potentiel génétique maximum.
Le contrôle de la condition corporelle procure, entre autres, les bénéfices suivants :
- Plus faible taux de renouvellement, - Mortalité plus faible des truies, - Donner à chaque truie ce qu'il lui faut (efficacité), - Moins de jours d'intervalle sevrage-saillie, - Plus de nés-totaux et de nés-vivants, - Moins de jours non productifs. |
On n'a maintenant aucun doute sur l'importance de ce contrôle, mais comment peut-on le faire ?
Les systèmes de contrôle de l’état corporel
En principe, pour contrôler la condition corporelle, on peut le faire visuellement, par notation, à l'aide d'un appareil de mesure de gras dorsal, en pesant ou avec un mètre ruban.
Appréciation visuelle: il s'agit d'une méthode rapide mais peu fiable.
Notation: évolution de la notation visuelle. Elle se calcule en général, comme on l'a vu auparavant, sur une échelle qui peut aller de 1 à 5 ou de 1 à 4.
Pesée: peser la truie et voir l'augmentation ou la diminution du poids.
Mesure du gras dorsal : un appareil mesure, par ultrasons, l'épaisseur de gras dorsal au point P2 (à hauteur de la dernière côte, à 6,5 cm de la ligne médiane du dos).
Mesure de gras dorsal en P2 | Mesure de flanc à flanc |
Mètre –ruban : mesurer la longueur de flanc à flanc de la truie (il existe une corrélation longueur-poids).
Correlation longueur – poids | |
Flanc à flanc, cm | Poids estimé, kg |
83 a 90 | 115 a 150 |
91a 97 | 150 a 180 |
98 a104 | 180 a 215 |
105 a 112 | 215 a 250 |
113 a 127 | 250 a 300 |
Savoir quelle est la meilleure méthode est assez difficile, puisque toutes les méthodes ont des avantages et des inconvénients ; on le voit sur le tableau suivant.
Comparaison des différents systèmes | ||
Temps passé | Précision | |
Contrôlel visuel | ♦ | ♦ |
Notation | ♦♦ | ♦♦ |
Pesée | ♦♦♦♦♦♦ | ♦♦♦♦♦ |
Mesure du gras dorsal | ♦♦♦ | ♦♦♦ |
Mesure au mêtre-ruban | ♦♦ | ♦♦♦♦ |
Dans beaucoup d'élevages, le niveau d'alimentation est actuellement réglé en fonction de l'épaisseur de gras au niveau de P2 (ultrasons). Évidemment calculer la condition par ultrasons est mieux que rien mais on ne peut pas dire que ce soit la meilleure méthode de contrôle.
Puisque l'entretien atteint 80 % des besoins énergétiques et dépend aussi du poids de la truie, tout système qui ignore le poids de la truie est voué à l'échec.
Il n'existe pas de méthode parfaite pour contrôler l'état corporel de la truie, une combinaison de deux méthodes sera probablement la meilleure option. Dans ce sens nourrir les truies sur la base de la mesure à l'aide d'un mètre ruban et des ultrasons peut être d'une grande aide
Niveau d'alimentation de 0 a 101 jours, kg/jour | |||||
Flanc à flanc, cm | Poids estimé, kg | Mm de gras au niveau de P2 | |||
< 12 | 12 a 14,9 | 15 a 18 | > 18 | ||
83 a 90 | 115 a 150 | 2,4 | 2,2 | 1,9 | 1,7 |
91a 97 | 150 a 180 | 2,7 | 2,4 | 2,2 | 1,9 |
98 a 104 | 180 a 215 | 2,9 | 2,6 | 2,4 | 2,1 |
105 a 112 | 215 a 250 | 3,1 | 2,9 | 2,6 | 2,4 |
113 a 127 | 250 a 300 | 3,3 | 3,1 | 2,8 | 2,6 |
F. Aherne |
- Administrer des repas avec 3,0 Mcal ME kg – - Toutes les truies doivent recevoir en supplément 1 kg/jour du 102ème au 115ème jour - Les truies doivent être maintenues autour ou légèrement au-dessous de 20°C. |
L'objectif est de placer les truies dans l'une des cinq catégories exposées dans le tableau et de faire varier leur niveau alimentaire en fonction de leur poids (mesure au mètre ruban) et du niveau de gras (ultrasons). On observe alors que pour des truies avec un même niveau de couverture de gras, leur niveau d'alimentation sera supérieur en fonction de leur poids.