Bien que l’offre européenne ait beaucoup reculé depuis 2 ans, les abattoirs ont accès à un approvisionnement suffisant pour répondre à une demande des consommateurs peu dynamique, ce qui explique les cotations cet été.
Impact des pays du Nord sur les prix du porc européen
En Europe, les marchés ont été marqués par un recul des cotations en juillet et août. Cette tendance s’explique à la fois par l’offre et la demande.
La baisse de l’offre ralentit en Europe comme le montrait l’enquête de cheptel de décembre 2023. Au cours du premier semestre, plus de 109 Millions de porcs ont été abattus en Europe, niveau équivalent à 2023 (+ 0,1 % / 2023). Ce ralentissement explique, en partie, la baisse des cours. Mais les dynamiques sont différentes selon les pays. Parmi les principaux producteurs de porc européens, les abattages espagnols sont en recul de 1,7 % par rapport à 2023. En France aussi, les abattages de la zone Uniporc ont reculé de 1 % en un an (cumul 8 mois). En revanche, l’offre se stabilise au nord de l’Europe.
Du côté de la demande, la faiblesse du marché européen pèse aussi sur les cours avec des différences selon les zones géographiques, notamment l’arrivée ou la sortie des flux de touristes. La météo froide ou caniculaire selon les régions, n’a pas favorisée la consommation des produits du porc, surtout au nord de l’UE. A l’export, les ventes ne décollent pas, les acheteurs attendent les décisions du gouvernement chinois et restent prudents. Mais d’après les opérateurs européens, une reprise des achats est constatée sur les autres marchés asiatiques tels que le Japon, la Corée du Sud et les Philippines.
Ce contexte a affaibli les niveaux de prix et la correction des cotations a été sévère. A l’exception de l’Espagne, les prix ont reculé d’environ 20 cts€ en moyenne entre fin juin et fin août. Ce mouvement a été impulsé par les pays du nord de l’UE, avec une position agressive des abatteurs danois, néerlandais et allemands. Les baisses de prix sont de 18,2 % au Danemark, 14,6 % en Allemagne et 12,6 % aux Pays-Bas, comparés à 2023. Les abatteurs nord-européens profitent de ce contexte pour faire baisser le prix des porcs et des viandes.
En revanche, le marché espagnol a résisté durant tout l’été avec des baisses plus modérées. Les écarts de prix sont importants et la cotation espagnole paraît déconnectée des autres pays. En moyenne sur août, 19 cts€ séparent le prix perçu par les éleveurs espagnols et français, et 67 cts€ avec les Danois. Bien que l’Espagne ait profité d’un afflux de touristes cet été à l’inverse des pays nordiques, ces écarts de prix ne reflètent pas totalement les équilibres offre/demande du marché européen, mais plutôt les contraintes des grands acteurs des marchés. En effet, Danemark et Espagne sont très dépendants des marchés internationaux et de la compétitivité de leurs produits mais avec des organisations de filières différentes qui engendrent des effets contrastés. La filière danoise tente de réorienter ses volumes de viandes en Europe, à bas prix. En Espagne, les intégrateurs espagnols sont contraints de limiter les baisses de prix ce qui génère une inertie des marchés.
En France, les cotations au Marché du Porc Français ont été fortement corrigées en août.
Sur plusieurs marchés, les baisses maximales autorisées ont été atteintes. Fin août, la moyenne hebdomadaire du Cadran français affiche 1,88 €/kg, soit une perte de 18 cts€ par rapport à la dernière semaine de juin. Au-delà des équilibres entre offre et demande sur le marché national, les acteurs de la filière porcine sont dépendants des évolutions de prix au nord et au sud de l’UE à 27. Les évolutions des prix résultent de ces compromis…
Des dynamiques de marchés très différentes sur les marchés mondiaux
Hausse de l’offre aux USA : aux Etats-Unis, l’offre en porcs augmente sur le marché américain en 2024. Les abattages de porc progressent de 2,4 % au cours des 7 premiers mois 2024 / 23. Cette hausse de l’offre américaine entraîne une légère baisse des prix cet été. Au cours des prochains mois, l’offre devrait se réduire car la décapitalisation du cheptel de truies se poursuit depuis plusieurs mois à un rythme élevé (+ 2,5 % en un an).
Reprise brésilienne : au Brésil, la dynamique de marché est repartie de manière très favorable en juillet. Les aléas climatiques avaient beaucoup impacté les abattages brésiliens en mars, mais le marché observe déjà un retour à la normale. Les abattages repartent à la hausse. Au premier semestre, l’offre brésilienne progresse de 0,8 % par rapport à 2023. La demande est très dynamique entraînant une forte hausse des prix du porc sur les 3 mois d’été. En août, le prix a bondi de 33 % par rapport 2023.
Renforcement des prix chinois : en Chine, la décapitalisation du nombre de truies ralentit au second semestre, le recensement de juillet affiche 40,41 Millions de têtes, un nombre encore bien inférieur à 2023 (- 5,4 % en un an). Ce vaste mouvement de baisse du cheptel des reproducteurs depuis des mois a pour conséquence la baisse de l’offre chinoise (- 3,3 % au 1er semestre 2024 / 23). En juillet et en août, les prix continuent à remonter (+ 21,4 % en août 2024/23) en lien avec cette baisse de l’offre et la stabilité de la demande des consommateurs. Désormais, le prix du porc en Chine s’élève en moyenne à 3,4 €/kg carcasse.
Elisa Husson, ingénieure d’études en charge de la conjoncture du prix du porc à l’IFIP