La phase d’engraissement prend fin avec le transport des animaux à l’abattoir. Cette phase de transport est très certainement une des plus critiques de la chaîne de production, et ce pour deux raisons principales. En premier lieu, de nombreux facteurs apparaissent au cours de cette phase, dont nous parlerons plus tard, et qui supposent un stress important pour les animaux. En deuxième lieu, les effets négatifs de ce stress, qui se produisent avant l’abattage, auront d’importantes répercussions sur la qualité des carcasses et de la viande.
En résumé, le stress pourrait se définir comme étant une réaction de l’organisme face à des facteurs environnementaux qui ne sont pas adéquats (voir chapitre 3). Dans l’exemple présenté dans ce chapitre, nous expliquions que les températures extrêmes représentaient un coût biologique pour l’animal, étant donné qu’il devait faire un « effort » pour s’adapter. Dans cet exemple, la réaction générée par l’organisme de l’animal face à une température très basse ou très élevée peut être perçue comme une réponse au stress.
Facteurs stressants au cours de la phase de transport
La phase du transport à l’abattoir débute par la sélection des animaux destinés à l’abattage et prend fin avec leur placement dans les parcs de l’abattoir. À ce stade commence la phase d’abattage que nous aborderons dans les chapitres suivants. À compter du moment où un animal est sélectionné pour être abattu en abattoir, il est confronté à une série de situations et de facteurs stressants qui auront des conséquences sur son bien-être et son rendement. Le tableau 1 présente la liste des facteurs susceptibles de nuire aux animaux pendant la phase de transport.
Tableau 1. Liste des facteurs susceptibles de nuire aux animaux pendant la phase de transport |
Le regroupement de lots d’animaux n’ayant eu aucun contact préalable |
La conception des installations de transfert et de chargement des animaux (couloirs, portes, clôtures, etc.) |
Le chargement et le déchargement (notamment les conditions de transfert vers le véhicule et vers les parcs d’attente de l’abattoir). |
La nouveauté du logement dans le véhicule |
La densité des animaux |
Les conditions physiques pendant le trajet (température, humidité, ventilation, etc.). |
Le manque d’eau et/ou d’aliments |
La sensation de nausées |
La proximité d’animaux dominants sans la possibilité de les éviter |
Il est important de tenir compte du fait que la majorité des transports d’animaux vivants ont lieu entre des points de départ et d’arrivée assez proches. Cela signifie que les aspects relatifs aux conditions du trajet ou le manque d’eau et d’aliments (si cela a été réalisé correctement) ont relativement peu d’importance, puisqu’ils ne durent pas. S’ils se prolongent (par exemple, voyages internationaux), les conditions de transport sont régies par la loi, ce qui oblige les transporteurs à mettre leur véhicule en conformité.
En analysant plus précisément les autres facteurs, nous pouvons en tirer une conclusion importante : tous dépendent pour une large part du personnel qui participe aux différentes tâches. Autrement dit, l’aspect clé du transport réside dans la relation homme-animal. Par cela, nous souhaitons insister sur l’importance du rôle des personnes chargées du maniement des animaux en ce qui concerne leur bien-être.
Conséquences du transport
Le stress affecte toujours de manière négative les animaux, mais ses effets sont encore plus marqués durant le transport.
Premièrement, nous avons vu que lors de la phase de transport un nombre élevé de facteurs stressants se produisent, au cours d’une période relativement courte. Le problème réside dans le fait que le stress présente un « caractère additif ». Cela signifie que la réaction de l’organisme face à divers facteurs stressants concomitants correspond à la somme des réactions générées si chaque facteur stressant intervenait séparément. Autrement dit, le stress provoqué par cinq facteurs stressants est cinq fois plus intense que celui provoqué par un seul facteur.
Deuxièmement, les effets négatifs du stress occasionnés par le transport se produisent au cours de la période précédant l’abattage. Ce point revêt une importance particulière car ces effets négatifs affecteront les performances économiques de l’élevage, ce qui se reflète dans trois indices principaux : le taux de mortalité, la qualité des carcasses et la qualité de la viande.
Mortalité
La conséquence la plus grave du transport sur le bien-être animal est le taux de mortalité des animaux. Il a largement été démontré que plus le nombre de facteurs stressants est élevé, c’est-à-dire, plus la qualité du transport est mauvaise, plus le taux de mortalité au cours du trajet sera élevé. La qualité du transport influera en outre sur les morts qui se produisent lorsque le trajet est terminé, pendant l’attente à l’abattoir.
Concernant cet aspect, il est important de mettre en relief l’effet d’un facteur génétique, le « gêne halothane ». Ce gêne est responsable, dans une de ses formes (allèle), d’un dysfonctionnement musculaire qui provoque «l’hyperthermie maligne du porc» (connue également sous le nom de syndrome du stress porcin ou de la mort subite). En résumé, la présence du gène « altéré » fait que les animaux sont plus sensibles au stress. Ainsi, lorsqu’ils réagissent en présence de facteurs stressants, leur organisme déclenche une contraction musculaire prolongée, provoquant une augmentation de la température corporelle (hyperthermie), connue sous le nom d’acidose systémique. Cette situation aboutit à la mort de l’animal par arrêt cardiaque.
Commentaires de l'ISPAIA
Le transport est effectivement quelque chose de stressant pour les porcs. Pour comprendre le ressenti que peuvent en avoir nos animaux, Stephens et collaborateur ont monté une expérience originale (1985). Des porcs sont placés dans une case qui est un simulateur de vibrations pour mimer le transport. Un panneau « interrupteur » est mis à disposition des porcs. Il « suffit » de le toucher pour arrêter les vibrations. Et bien au bout de 4 séances d’apprentissage, les porcs éteignent les vibrations pendant 75% du temps. L’expérience inverse (toucher du panneau qui déclenche les vibrations) marche tout aussi bien. Les porcs évitent soigneusement le panneau. Cette expérience montre non seulement que les vibrations sont ressenties comme une gène mais aussi que nos animaux font preuve d'une intelligence remarquable.
Maintenant, ce stress se mesure et s’évalue de différentes manières. Dans le Mémento de l’éleveur de porc (ITP, édition 2000, p 269), vous pourrez voir l’impact sur le rythme cardiaque. Les conditions de transport sont bien entendu importantes mais on voit que deux moments se distinguent : le chargement et le déchargement. Or ce sont des étapes où notre attitude et où la préparation comptent énormément. Plus récemment, Wöhrs (Ecole vétérinaire de Munich, 2004) a montré une élévation nette du cortisol salivaire après un transport. Et ce cortisol est un traceur du niveau de stress.