Qualité des carcasses
Carcasse de porc avec une contusion apparue chez l'animal vivant. |
Le transport diminue le rendement des carcasses, et ce pour divers motifs. La perte de poids, sans parler du contenu intestinal, est vraisemblablement l’un des plus importants, bien que ceci ne se produise que dans le cas de transport longue distance. Lors de trajets plus courts, les blessures et les contusions sont une des causes majeures de la dépréciation des carcasses (voir photo). Elles résultent principalement des agressions entre animaux (qui augmentent lorsqu’on regroupe des animaux qui n’ont pas eu de contact préalable) ainsi que de la mauvaise conception des installations et des véhicules de transport. Dans ce dernier cas, les blessures sont provoquées par les équipements saillants ou par les coins anguleux et coupants présents sur le parcours des animaux au cours de leur transfert vers le véhicule ou de ce dernier vers l’abattoir.
Ces blessures et contusions visibles sont saisies sur les carcasses provoquant ainsi leur dépréciation et une perte de rendement.
De manière anecdotique, et bien qu’il n’existe aucune donnée pour les porcins, on estime que ce problème provoque chez les bovins des pertes supérieures à 26 millions de dollars par an aux États-Unis.
Qualité de la viande
Suite à l’abattage de l’animal, une série de modifications chimiques interviennent dans la carcasse qui font que le muscle se transforme en viande (connu sous le nom de processus de maturation). Nous n’allons pas procéder à une description détaillée de ces changements, mais en résumé, le processus repose sur une acidification du muscle. En conditions optimales, le pH (paramètre qui mesure le degré d’acidité) diminue après la mort de l’animal pour se situer normalement entre 5,6 et 6,0. (Mémento de l’éleveur de Porc 2000, ITP p 265) après 24 heures. L’acidité de la viande 24 heures après l’abattage dépend en grande partie de deux facteurs : la fatigue et le stress. Les animaux qui arrivent épuisés à l’abattoir, à cause de trajets longs ou stressants, perdent leur capacité d’acidification, ce qui se traduit par une viande plus sombre, plus dure et plus sèche. Ceci est plus connu sous le nom de viande DFD (de l’anglais Dark, Firm, Dry – sombre, dure et sèche), et qui bien évidemment fait baisser le prix de la viande.
D’autre part, lorsque les animaux sont stressés peu avant l’abattage (transports très stressants ou mauvais entretien à l’abattoir), l’action du stress entraîne une acidification plus importante de la viande, ce qui donne une viande plus pâle, plus molle et plus exsudative. Cette viande est connue sous le nom de viande PSE (de l’anglais Pale, Soft, Exudative) ce qui diminue également le prix de la viande (il est intéressant de souligner que ce dernier type de viande apparaît plus fréquemment chez les animaux présentant la version altérée du gène halothane).
De gauche à droite, viandes de type PSE et DFD |
Solutions possibles aux effets négatifs du transport
Si dans une organisation ou une exploitation en particulier apparaissent ces problèmes liés au transport, il faudrait songer à améliorer la situation, tant pour le bien-être des animaux que pour la rentabilité de l’exploitation.
Le processus d’amélioration pourrait être résumé en trois parties : analyser, appliquer organiser.
ANALYSER quels sont les facteurs clés parmi ceux décrits dans tous ces chapitres, c'est à dire quels sont les «points critiques».
APPLIQUER des solutions à ces facteurs clés de façon à empêcher qu’ils ne se produisent ou à limiter leur impact.
Prendre le temps d’ORGANISER toute la phase de transport, depuis le nombre d’animaux qui vont être abattus (pour que le véhicule ait une capacité d’accueil suffisante) jusqu’à l’arrivée à l’abattoir (pour réduire l’attente dans le camion, notamment en période de températures extrêmes).
Mais il est surtout important d’ANALYSER la situation du point de vue des animaux et de ne pas prétendre que ce sont « eux » les responsables quand quelque chose va mal. Par exemple, si l’on remarque que les animaux sont réticents à se mouvoir dans les couloirs de l’exploitation, il est inutile de leur envoyer des décharges électriques pour qu’ils se déplacent. Premièrement, parce que le plus probable est que l’on ait « stimulé » les animaux à la fin du groupe, qui ne sont pas responsables du fait que les premiers ne bougent pas. Et deuxièmement, car cela est quasiment certain que les premiers ne bougent pas parce qu’ils sont face à une situation qui leur est inconnue (changement de couleur ou de texture du sol, présence d’objets ou d’animaux visibles ou perceptibles depuis l’endroit où ils se trouvent et qui leur font peur, etc.).
D’autres aspects à prendre en compte dans les processus de chargement et de déchargement qui sont, comme nous l’avons dit les plus délicats, sont par exemple les rampes dont l’inclinaison ne devrait pas dépasser 10 %, ou profiter de la tendance des animaux à se diriger des zones sombres vers des zones plus lumineuses. Un détail intéressant consiste à utiliser des couloirs doubles (voir schéma). Ce système permet aux animaux de sortir du groupe par deux (chacun incitant l’autre à avancer) et évite qu’un animal se tourne et bloque le passage des suivants.
Les couloirs doubles favorisent le déplacement en permettant à ceux qui sont en tête de passer à deux Source photos:Dr. Temple Grandin's Web Page. http://www.grandin.com/behaviour/unload.truck.html |
Commentaires de l'ISPAIA
Les solutions de maîtrise de la qualité passent donc par un travail le plus fluide possible avec les animaux, le moins stressant. Toutes les astuces d’élevages pour faciliter le calme au cours du tri, de la mise sur le quai, du chargement et du déchargement sont donc importantes. Le délai de mis à jeun est aussi un critère fondamental et facilement mesurable à l’abattoir par la pesée des estomacs. Des cochons bien ajeûnés présentent moins de risque de viande PSE ou de mortalité transport (MONIN, INRA 2003). Mais là aussi, on retrouve des notions de stress.
On dit parfois que le stress provoque de la diarrhée. En élevage, il provoque plus souvent un ralentissement, un blocage de la digestion. C’est pour cela qu’il ne faut pas mettre sur le quai des animaux juste après un repas en soupe. Ou alors, il faut allonger le délai d’ajeûnement ce qui n’est pas sans conséquences. Après transport, l’attente à l’abattoir permet aux porcs de récupérer des stress subis et de limiter les problèmes de viandes PSE. Trop long toutefois, il favorise les viandes DFD. Le mieux est souvent l’ennemi du bien !
Dans les solutions possibles on peut aussi espérer des résultats d’une phéromone d’apaisement, le SUILENCE®. Wöhr a présenté à l’IPVS 2004 les résultats de ses premiers travaux. 120 porcs traités avant transport étaient comparés à 144 témoins. Les témoins avaient un taux de cortisol dans leur salive plus élevé après transport (révélateur du stress subi). D’un point de vue qualité de viande, le pH des côtelettes des animaux témoins 1 heure après abattage était moins bon. On a donc peut être des développements à attendre de cette voie si des études plus importantes en confirment l’intérêt.