Comme chaque année, nous publions le dernier commentaire de l'année avant Noël, une période où l'harmonie, la paix et la concorde devraient prévaloir.
L'année qui s'achève a été exceptionnelle à tous points de vue ; outre la crise financière de l'élevage porcin, il y a eu la crise géopolitique (comprenez la guerre), les suites de la crise de la COVID, la crise énergétique, les problèmes d'approvisionnement... Tout cela nageant dans des doses massives, voire toxiques, d'incertitude, d'angoisse et d'insécurité.
La diminution - claire et indiscutable - du cheptel dans l'Union européenne et la flambée des coûts de production et d'alimentation ont conduit à des prix jamais vus pour le porc, surtout à cette époque de l'année. Dans toute l'Europe, sans exception, les prix du porc atteignent des niveaux records.
Les prix élevés des aliments pour animaux et de l'énergie signifient que le prix de la viande de porc sera bien supérieur à la moyenne ; en 2023, il semble certain que le prix du porc dépassera largement le niveau habituel et sera très proche des prix de revient. Espérons que ce soit le cas, même si cela ne sera pas facile.
En Europe, la consommation de viande de porc est en baisse. Les causes de ce déclin sont nombreuses et variées : l'inflation, qui réduit le pouvoir d'achat des ménages, le "bruit de fond" des défenseurs des animaux, des végétaliens et des environnementalistes, mais aussi la poussée de ce qu'on appelle la "viande végétale", dont la présence sur le marché, bien que minoritaire pour le moment, est déjà perceptible et indéniable (cette "viande" semble vouée à devenir de plus en plus présente). Probablement aussi l'abandon des traditions par les jeunes. Rien ne semble facile pour l'avenir des activités de notre filière.
En Amérique du Nord (principalement au Canada et aux États-Unis), les prix du porc sont bien inférieurs aux prix européens, ce qui rend difficile la vente de viande européenne aux pays tiers.
En Chine - le grand facteur de déstabilisation - le prix des porcs baisse à toute allure. Le retrait de la politique de Covid Zéro provoque une prolifération de cas jamais vus auparavant dans cette région. Le Financial Times vient de publier une étude prévoyant des dizaines de milliers de morts parmi la population chinoise à cause de cette maladie. En général, il ne semble pas que ce soit la meilleure situation pour espérer une forte consommation...
Dans une Europe avec moins de porcs, la position de leader de l'Espagne en sera renforcée. La balance des exportations espagnoles se déplacera vers les pays membres de l'UE au détriment des exportations vers les pays tiers : en réalité, cela est déjà le cas, mais cela va s'accentuer.
En décembre, nous avons assisté à un rebond très timide des prix du vif en réaction à la tardive demande de Noël (l'incertitude a retardé les décisions d'achat jusqu'au dernier moment). Or, Noël va passer et nous craignons que janvier et février ne soient longs, froids et sombres. Il est fort possible qu'après les fêtes, le marché se réajuste brusquement : l'UE continuera à avoir un excédent de viande et nos concurrents américains (USA, Canada et Brésil) disposent d'une matière première (le porc) bien moins chère qu'ici pour leurs exportations vers les pays tiers. Tout ceci nous amène à penser que dès janvier, mais surtout en février, les porcs vont clairement reculer dans toute l'UE. La viande sera probablement la première à chuter, comme c'est déjà le cas (en Italie, les jambons valent déjà beaucoup moins qu'il y a quelques jours...). Il s'agira des prémices de la lutte entre prix de vente et coût de production qui sera d'actualité pendant toute l'année 2023.
L'année se termine plutôt mieux pour l'éleveur qu'on aurait pu le penser au début du mois de mars, même si, au final, peu pourront présenter des bilans positifs. Pour l'abattoir, l'année a été difficile, au cours de laquelle la baisse automnale habituelle (qui "réparait" normalement le résultat de l'année) est arrivée très tard et très timidement. L'industrie n'arrive toujours pas à répercuter les folles hausses de la viande du mois d'avril. Décidément, l'année n'a été bonne pour aucun des maillons de la chaîne de production porcine en Espagne.
Dans un environnement aussi changeant et peu sûr que celui que nous connaissons actuellement, il est nécessaire de trouver des points de référence fixes et fiables. Dans un environnement inhospitalier et hostile, il est important de distinguer clairement le bon grain de l'ivraie. Nous savons tous que nous devons réduire les coûts, minimiser les gaspillages évitables et peut-être reporter des décisions compromettantes. Comme toujours, l'orage passera et le soleil brillera et nous rassurera avec sa chaleur habituelle et routinière. Le problème, c’est que nous ne savons pas quand tout cela arrivera. Mais cela viendra, c'est une certitude absolue.
D'une manière ou d'une autre, de nombreux facteurs d'incertitude finiront par se dissiper, clarifiant ainsi le tableau. Nous espérons et escomptons que cela se produira assez tôt.
C'est Noël. Une époque de paix, d'harmonie et de vie de famille. Pendant quelques jours, donnons-nous la permission de mettre nos soucis de côté et de laisser nos esprits se remplir de bons vœux. Profitons de l'occasion pour réfléchir à la manière d'aplanir les aspérités de notre caractère qui peuvent gêner notre entourage et laissons nos cœurs se remplir de bons vœux.
Que la chance nous sourie à tous. Disons adieu à la peur, aux contrariétés et à la tristesse. Espérons vivement que l'année 2023 sera plus favorable que celle qui s'achève. Nous souhaitons à tous nos lecteurs un très joyeux Noël et une bonne année 2023.
Guillem Burset