- Elevage de 250 truies, naisseur-engraisseur, situé en Bretagne.
- Conduite en 7 bandes toutes les 3 semaines.
- Sevrage à 28 jours.
- Prélèvement à la ferme.
- Auto-renouvellement
- FAF pour l'aliment des porcs charcutiers.
- Aliment des truies, 1er et 2ème âge du commerce.
Statut sanitaire
SDRP | positif |
Actinobacillus pleuropneumoniae | positif |
Streptococcus suis | positif |
Rhinite | positif |
Mycoplasma hyopneumoniae | positif |
Prophylaxies effectuées
Mycoplasma hyopneumoniae | vaccination des issus à 4 semaines d'âge (monodose). |
SDRP | vaccination des issus à 6 semaines d'âge. |
PCV2 (circovirus) | vaccination des reproducteurs 3 semaines avant mise-bas |
Appel de l'éleveur
L'éleveur nous fait part de son inquiétude car depuis quelques mois, il observe des décrochements 10 à 15 jours après l'entrée en engraissement, et, sur la dernière bande rentrée, des coups de flancs et des mortalités. Il doit apporter des porcs à autopsier au laboratoire.
Premières autopsies
L'éleveur apporte 3 porcs charcutiers morts d'environ 50 kg au laboratoire pour autopsie
· Lésions observées
1er
porc (N°1) |
2ème
porc (N°2) |
3ème
porc (N°3) |
|
Aspect extérieur | dermatite sévère | RAS | dermatite plus légère |
Cavité thoracique | - cœur: RAS - réaction ganglionnaire généralisée - broncho-pneumonie purulente |
- cœur: RAS - réaction ganglionnaire généralisée - pleurésie |
- cœur: RAS - réaction ganglionnaire généralisée - pneumonie sévère avec abcès et pleurésie |
Cavité abdominale | néphrite | présence de fibrine au niveau du foie, de la rate et des intestins | RAS |
Le tableau lésionnel est donc très hétérogène.
· Analyses bactériologiques
Des analyses bactériologiques sont tout de même effectuées:
1er
porc (N°1) |
2ème
porc (N°2) |
3ème
porc (N°3) |
|
Isolements et identifications | Escherichia coli à partir des poumons | Pasteurella multocida à partir des poumons. | Escherichia coli
à partir des ganglions trachéo-bronchiques Pasteurella multocida, Streptococcus suis 8 et Actinobacillus pleuropneumoniae B1S12 à partir des poumons. |
L'examen bactériologique est tout aussi hétérogène.
Il est proposé à l'éleveur d'effectuer une visite afin d'essayer d'y voir plus clair.
Visite de l'élevage
Cheptel truies
Il n'y a pas de quarantaine, les cochettes sont directement transférées de l'engraissement en bâtiment gestantes.
Gestantes
La fertilité est correcte (autour de 85%) et on constate de bonnes venues en chaleurs.
Bon état corporel des truies.
En discutant avec l'éleveur, on apprend que son salarié a été absent pendant 1 mois et qu'il y a sans doute du retard dans les vaccinations (on se rendra compte par la suite qu'il y a, par manque de temps, un certain laisser-aller dans l'application du plan de vaccination).
Maternités
Les maternités sont conduites en tout vide-tout plein, les cases sont sur caillebotis plastique avec des plaques chauffantes au niveau des nids (le confort est donc optimal pour le porcelet).
On n'observe pas de problème particulier à ce stade.
Post-sevrage et engraissement
Post-sevrage
Toux sèche sur les porcelets en fin de PS depuis environ 15 jours.
Cette toux est apparue brutalement peu après les porcs charcutiers.
Engraissement
On observe de la toux dans presque toutes les salles depuis environ 3 semaines avec une baisse d'appétit. Ces animaux ne semblent toutefois pas trop abattus et n'ont pas de fièvre.
La bande de porcs de 40-50 kg est beaucoup plus atteinte car on observe en plus des amaigrissements et des coups de flanc. Les animaux de cette bande ont en outre de la fièvre (prise de température sur 5 porcs : 40,9 ; 40,1 ; 40,3 ; 41 ; 40,7°C).
L'éleveur ne dispose pas de GTE mais on évalue le taux de pertes en engraissement à environ 8% depuis 2 à 3 mois, principalement dans le 1er mois d'engraissement (et jusqu'à 10 à 12% lors du passage grippal).
Euthanasie et autopsie d'un porc de 40 kg non traité
Porc
de 40 kg |
|
Aspect extérieur | - Amaigrissement assez
marqué (d'apparition brutale) - Dyspnée - Fièvre (40,7°C) |
Cavité thoracique | - cœur : RAS. - présence de fibrine sur les poumons, - pneumonie (note de 15/28) - ganglions trachéo-bronchiques hypertrophiés, |
Cavité abdominale | - diarrhée
chronique, - muqueuse cæcale congestionnée, - ganglions inguinaux blanchâtres et hypertrophiés |
Prélèvements réalisés :
Poumons
: |
Bactériologie,
histologie |
Ganglions
inguinaux : |
PCR
quantitative PCV2 |
Le maïs (1 kg) et le blé (1 kg) utilisés pour l'alimentation des animaux sont également prélevés afin de doser la vomitoxine (méthode ELISA DON).
Diagnostic différentiel et premières mesures proposées
1. Diagnostic différentiel
Les signes respiratoires (toux sèche) et la baisse d'appétit observés en fin de PS et dans tout l'engraissement depuis environ 3 semaines, évoquent un passage d'allure virale (probablement de la grippe).
Les signes d'amaigrissements brutaux vers 40 kg ainsi que certaines lésions macroscopiques observées sur les porcs autopsiés (dermatite, néphrite, hypertrophie des ganglions lymphatiques) peuvent évoquer un syndrome de MAP.
2. Mesures mises en place
Ces mesures mises en place à ce stade sont des mesures de traitement des symptômes :
Traitement de la fièvre :
¦ Paracétamol à 30 mg/kg/jour pendant 3 jours sur l'ensemble des porcs charcutiers (ainsi que les porcelets en fin de PS),
¦ Ce traitement sera effectué pendant 10 jours sur la bande des animaux qui présenteront en plus des signes d'amaigrissements.
Traitement des infections secondaires :
¦ Désinfection d'ambiance dans toutes les salles une fois par jour jusqu'à diminution des signes respiratoires.
¦ La bande la plus atteinte (avec dyspnée) est en plus traitée avec de la doxycycline à 10 mg/kg/jour pendant 5 jours.
Résultats d'analyses, mesures proposées et évolution du cas
1. Résultats des analyses
· Bactériologie
Une Pasteurella multocida est isolée des poumons.
· Histologie
Déplétion lymphoïde histiocytaire modérée avec présence de cellules géantes et de rares inclusions basophiles intra-cytoplasmiques en grappe.
Conclusion : discrètes lésions compatibles avec une circovirose.
· PCR quantitative PCV2
La charge génomique est de 7,6.1010 copies virales et le seuil de significativité est de 107. Le prélèvement est donc très positif.
· ELISA DON
Maïs |
Blé |
Entre
970 et 1390 ppb |
1800
ppb |
L'interprétation des résultats pour la production porcine est la suivante :
< 150 ppb : | faiblement contaminé |
150-200 ppb : | moyennement contaminé |
400 – 1000 ppb : | significativement contaminé |
1000 ppb : | fortement contaminé |
Les deux prélèvements sont donc très positifs.
2. Mesures proposées
· Mesures zootechniques
Il est conseillé à l'éleveur d'éviter au maximum les mélanges d'animaux :
- au sevrage (surtout entre les porcelets issus de truies de rangs 1 et 2 et ceux issus de truies de rangs supérieure ou égal à 3),
- à l'entrée en engraissement.
En raison de la vétusté des bâtiments et de la faible motivation de l'éleveur, il semble malheureusement difficile à ce stade, de s'attarder trop longtemps sur les mesures zootechniques (mais nous ne désespérons pas à l'avenir d'aborder des sujets comme la désinfection, le chauffage des salles, …)
· Respect du plan de vaccination
Les dates de vaccination doivent être respectées et notamment la vaccination contre le circovirus.
· Alimentation
Un capteur de mycotoxines est ajouté à l'aliment fabriqué à assez forte dose (1 kg/T).
· Vaccination des porcelets contre le circovirus
Un essai de vaccination des porcelets avec une injection de vaccin 1 mois avant l'apparition des signes cliniques, c'est-à-dire vers 8-9 semaines d'âge, est réalisé.
· Sur les bandes non vaccinées
Paracétamol à 20 mg/kg/jour pendant 15 jours 1 semaine après l'entrée en engraissement, c'est-à-dire avant l'apparition des symptômes.
Doxycycline à 10 mg/kg/jour pendant 5 jours en cas de toux ou coups de flanc (la pasteurelle isolée est sensible à cet antibiotique).
Isolement des animaux malades dans l'infirmerie.
3. Evolution du cas
A la suite de la visite, les signes grippaux ont disparu après environ 1 à 2 semaines mais les amaigrissements et la mortalité dans le 1er mois d'engraissement ont persisté. On a observé une diminution des pertes (qui sont passées de 10 à 6% environ) et des signes de dépérissement sur les bandes traitées préventivement avec des anti-inflammatoires. Il y avait toutefois toujours quelques porcelets amaigris et fiévreux.
Enfin, les bandes vaccinées ont montré un bien meilleur aspect avec une diminution très nette des pertes (3 à 4% aujourd'hui sur toute la durée de l'engraissement) et l'absence d'amaigrissement.
Commentaires
Ce cas de MAP compliquée par une Pasteurelle avec présence de mycotoxines mérite un commentaire:
1) Sur l'apparition de la maladie
Plusieurs facteurs ont pu favoriser l'apparition des signes cliniques observés :
Le manque de rigueur dans les vaccinations
Ce manque de rigueur, surtout concernant la vaccination des truies contre le circovirus, a pu favoriser une certaine hétérogénéité du niveau immunitaire du cheptel. Ceci a probablement favorisé la réapparition d'un syndrome de type MAP.
Pour bien faire, il faudrait revacciner l'ensemble du cheptel truies 2 fois à 1 mois d'intervalle.
La qualité de l'alimentation
La DON inhibe en partie la synthèse des protéines et de l'ADN entraînant une altération plus ou moins sévère de l'immunité des porcelets. Cette baisse de l'immunité générale est un facteur favorisant le développement des agents pathogènes en contact avec l'organisme.
Le passage viral
Le passage viral (probablement grippal) a très certainement été un facteur aggravant.
2) Sur le diagnostic
L'observation et la description des symptômes sont très importantes dans ce genre de cas car le traitement est dans un premier temps essentiellement symptomatique. Plus on intervient tôt (et ce ne fut pas le cas ici), plus on a de chance de faire baisser rapidement la pression d'infection et de favoriser un retour à l'équilibre.
Le recours au laboratoire d'analyse (histologie et PCR circovirus 2 quantitative) permet d'orienter, voire de confirmer dans la plupart des cas le diagnostic.
3) Sur les mesures mises en place
Le traitement par les AINS semble être essentiel car l'hyperthermie est en partie responsable des signes d'amaigrissements observés. Le paracétamol est particulièrement indiqué car il permet de traiter sur une période longue (supérieure à 10 jours) sans risque de provoquer des ulcères.
La vaccination des porcelets contre le circovirus permet d'avoir une réactivité supérieure et offre également la possibilité d'un diagnostic "thérapeutique". Cette perspective, qui semble intéressante, devrait pouvoir être développée dans l'avenir.
Il ne faut toutefois pas oublier que le niveau immunitaire des truies (et surtout son homogénéité) a également son importance et que la vaccination des truies est un moyen de stabilisation à long terme.
Dr Guillaume FRIOCOURT
Vétérinaire
22 - LOUDEAC