L’élevage faisait partie d’un système coopératif en Europe Centrale, avec des élevages de reproducteurs liés à différents bâtiments de post-sevrage et de finition. Tous les porcs reproducteurs et les jeunes porcelets ont reçu un programme de vaccination complet. Quelques élevages étaient positifs à des souches européennes de SDRP, alors que d’autres étaient négatifs. Les porcelets sevrés étaient transférés vers des sites de PS séparés, à 3 ou 4 semaines d’âge, en groupes de taille d’environ 800 porcelets.
L’alimentation en PS et en engraissement était avec de l‘aliment commercial dans les différentes phases : 1er âge, engraissement et finition. L’usine d’aliments a décidé de diminuer les doses d’antibiotiques et d’oxyde de zinc dans les rations de 1er âge ; l’oxyde de zinc est passé de 2500 à 150 ppm.
Peu après, les salariés des bâtiments de post-sevrage ont noté des symptômes nerveux chez beaucoup de porcs récemment sevrés. Il y a eu aussi une augmentation modérée de la mortalité en PS de 3 à 4% jusqu’à 5 - 6%. Le problème a eu lieu dans différents groupes de porcelets pendant une période plusieurs mois.
Un examen détaillé a indiqué qu’un grand nombre de porcs sevrés montrait une série de signes nerveux et de la dépression. Normalement ces signes cliniques commençaient à 7-14 jours après le sevrage et semblait affecter en particulier les porcs plus grands et les mieux développés. Chaque épisode de maladie dans chaque groupe de porcs semblait durer environ 2 semaines et la récupération se produisait autour de 7 semaines d’âge.
Les symptômes nerveux étaient de l’ataxie (incoordination et mouvements maladroits), de la prostration et des convulsions. En plus des signes nerveux, beaucoup de porcs malades avaient un gonflement marqué (œdème) du tissu mou des paupières supérieures et inférieures (figure 1).
Figure 1 : porcelet sevré de 5 semaines d’âge prostré et avec de l’œdème palpébral.
Occasionnellement, les porcs atteints avaient aussi un changement surprenant dans la vocalisation depuis les cris perçants normaux à d’autres très aigus. On a souvent observé ceci quand les porcs affectés étaient attrapés pour les manipuler.
Les porcs les plus atteints sont morts au bout de 1 à 3 jours de maladie. A l’autopsie de certains porcs touchés, l’œdème mou et gélatineux sur les paupières était évident, mais aussi dans le mésocôlon du colon ascendant (figure 2) et dans la paroi gastrique. Le péricarde de certains porcs contenait un excès de liquide. La tête et les intestins de certains d’entre eux ont été envoyés à analyser au laboratoire de pathologie et de microbiologie.
Figure 2 : Autopsie d’un porcelet atteint avec de l’œdème du mésocôlon.
L’élevage a décidé d’ajouter des antibiotiques, colistine et apramycine, dans les prémélanges d’aliment de 1er âge et de ré-augmenter les niveaux d’oxyde de zinc jusqu’à 2000-3000 ppm.
Caractéristiques clés :
7 à 14 jours post-sevrage – intervalle d’âge atteint.
Large variété de singes nerveux y compris des changements dans la vocalisation.
Œdème des paupières, paroi gastrique et côlon.
Commentaires sur le cas pratique
La maladie de l’œdème chez les porcs est due à des souches d’Escherichia coli entéro-toxigéne (ETEC) qui produisent une vérotoxine spécifique (toxine similaire à shiga). Ces bactéries se trouvent dans l’environnement des bâtiments de post-sevrage et sont ingérées par le porcelet peu après le sevrage. Ensuite les bactéries s’unissent à l’épithélium de l’intestin grêle en formant des colonies et leurs vérotoxines entraînent des altérations dans les vaisseaux sanguins du cerveau et dans d’autres endroits. Les vaccins E. coli utilisés chez les porcs reproducteurs ont pour but de fournir l’immunité contre l’ETEC chez les porcs sevrés, c’est-à-dire une fois que les porcs arrêtent de consommer du lait et les anticorps maternels.
La culture des prélèvements intestinaux au laboratoire de bactériologie montrera une croissance stricte et pure d’ETEC qui peut provoquer de l’hémolyse sur gélose au sang. Le type d’E. coli qui entraîne la maladie de l’œdème est normalement du type fimbrial F18 et contient la toxine similaire à shiga Stx2e. Ces facteurs de virulence peuvent être confirmés avec des analyses de laboratoire par PCR et par des tests d’agglutination.
L’histopathologie du cerveau montrera une vascularite dégénérative et des hémorragies péri-vasculaires surtout sur le tronc de l’encéphale. Le cerveau ne présentera pas de changements inflammatoires, tels que ceux observés dans les cas de méningite due à Streptococcus ou de privation d’eau.
Dans le traitement des porcelets atteints cliniquement par la maladie de l’œdème, on peut utiliser de la colistine souvent considérée comme l’antibiotique de choix qui a un faible niveau de résistance à E.coli et Salmonella. On peut administrer la colistine dans l’aliment ou l’eau. Par exemple, une formulation du prémélange à 10% permettra d’administrer 100 g/T d’aliment. L’oxyde de zinc doit à nouveau être incorporé dans l’aliment de 1er âge à des niveaux pharmacologiques. Les infections cliniques par ETEC chez les porcs sevrés se sont effondrées depuis les années 80 avec l’introduction de l’oxyde de zinc dans l’aliment à des niveaux pharmacologiques suffisants (de 1500 à 3000 ppm) dans les aliments starter. L’oxyde de zinc a une action antibactérienne spécifique qui endommage et qui déforme les membranes bactériennes avec perte de contenu bactérien. Il y a un important débat entre les activistes et les autorités européennes sur la limitation de l’utilisation des antibiotiques et de l’oxyde de zinc pour le contrôle des maladies des animaux. En conséquence, il y a eu une augmentation des essais pour trouver des alternatives sûres, efficaces et rentables à ces composants dont l’efficacité est démontrée.
Les souches E. coli et ETEC sont des organismes très courants que l’on considère « endémiques » dans la plupart des exploitations porcines, probablement dans le matériel des cases, des couloirs et le lisier. Cette endémicité explique son apparition constante de cas et d’épisodes quand on ne prend pas les mesures adéquates de contrôle. Des études en Europe montrent que 20 à 35% des élevages ont des souches F18 d’E. coli dans leurs systèmes. Dans ce cas pratique, la diminution de l’utilisation de l’oxyde zinc très en dessous des niveaux pharmacologiques appropriés a conduit rapidement à des infections cliniques d’E. coli. Les zones de post-sevrage qui sont anciennes et sales seront un réservoir d’infection si on ne les lave pas correctement. La propreté de ces zones doit comprendre l’utilisation de détergents, avant le lavage et la désinfection. On doit gérer de manière adaptée la quantité de matière fécale (lisier) que l’on trouve sous les cases du sevrage.
Une autre mesure de contrôle à long terme qui a été mise en place récemment est la disponibilité du vaccin E. coli destiné à être utilisé contre les souches d’E. coli qui entraînent la maladie de l’œdème. Ce vaccin génétiquement modifié est administré aux porcelets à 4 jours d’âge. Ceci n’empêche pas la colonisation mais augmente les anticorps générés contre la toxine shiga Stx2e en neutralisant les effets pathogènes de la verotoxine clé impliquée dans la maladie de l’œdème.