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Cas clinique: Cœur muriforme

La carence en Vit E – Sélénium décrite dans ce cas n’est pas due à une carence d’apport de la truie mais plus à une surconsommation de ces vitamines et oligo-oligoéléments par le porcelet.

29 Décembre 2010
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Description générale de l’élevage et motif de visite

Description de l’élevage

Il s’agit d’un élevage naisseur engraisseur de 350 truies sur un site dans une zone à forte densité porcine (Ouest de la France : Bretagne). Cet élevage est en autorenouvellement.
L’élevage est conduit en 7 bandes toutes les 3 semaines avec un sevrage à 28 jours. Les semences utilisées sont des doses produites sur l’élevage.
L’aliment truie et charcutier est fabriqué à la ferme

Statut sanitaire et programme vaccinal

Pathogène
Statut
Vaccination
Programme de vaccination
SDRP
Positif
Oui
Truies en masse tous les 4 mois
Mycoplasme
Positif
Oui
Porcelets au sevrage
Actinobacillus pleuropneumoniae
Négatif
Non
PCV 2
Pas de signes cliniques
Non
Parvovirus
Pas de signes cliniques
Oui
14 jours après la mise bas
Colibacille (K88 / K99) / Clostridium
Pas de signes clinques
Oui
3 semaines avant mise bas (+ primo pour les cochettes)
Rhinite atrophique
Non
Non

Appel de l’éleveur

L’éleveur nous appelle pour des problèmes de mortalité subite de porcelets sous la truie

Sur la dernière bande l’éleveur a perdu 29 porcelets en 7 jours durant la dernière semaine de lactation (sur 45 mises bas).
Dans le même temps l’éleveur a perdu 3 porcelets en post sevrage.

Description du problème - Autopsies

Historique

Historiquement il était fréquent d’avoir 1 à 3 porcelets par bande à mourir de façon subite durant la dernière semaine de lactation. Ces mortalités étaient potentiellement associées à des septicémies (Streptocoque, E. coli), car il était fréquemment rapporté par l’éleveur que ces porcelets présentaient des polyarthrites.

Ce pourcentage de mortalité (<0,5%) posait problème mais ne justifiait pas la mise en place de mesures de prévention (type antibiothérapie systématique ou mise en place d’une vaccination). Ces cas n’ont donc pas fait l’objet d’un diagnostic approfondi.

Description du problème

29 beaux porcelets sont morts lors de la dernière semaine de lactation de façon brutale sans autres signes cliniques.

5 porcelets ont été autopsiés sur l’élevage.

Sur les engraissements, lors de l’apparition de la mortalité des porcelets, les porcs charcutiers subissaient la fin d’un passage grippal. Aucun signe de passage grippal n’a été observé sur les truies (absences de toux et de baisse de consommation).

Autopsie de 3 porcelets de 21 jours

Lésions sur l'appareil cardiorespiratoire :
- épanchement péricardique prononcé sur les 3 porcelets, épanchement pleural très modéré
- absence de lésions pulmonaires
- Présence d’hémorragies à la surface du cœur, le cœur semble flasque.

Absence d’autres lésions sur les porcelets

Autopsie de 2 porcelets de Post sevrage

Tableau clinique très similaire à celui observé sur les porcelets morts en maternité (porcelets de 21 jours)

- épanchement péricardique prononcé sur les 2 porcelets, épanchement pleural marqué sur un porcelet (porcelet n°1) et modéré sur l’autre.
o présence d’un amas légèrement « glaireux » autours du cœur sur le porcelet présentant un fort épanchement pleural
o épanchement liquide jaunâtre non malodorant

- lésions de pneumonie (légère hépatisation) sur les lobes cardiaques (note : 2/4) pour les 2 porcelets

- quelques lésions en coup de pinceau sur le péricarde

- présence de flammèches de fibrine dans la cavité abdominale du porcelet n°1

Aucun signe de pathologie digestive ni d’arthrite.

Photo 1 (porcelets de 21 jours) : Légères hémorragies en superficie du cœur. L’épanchement n’est pas visible du fait de l’ouverture du péricarde lors de l’ouverture de la cavité thoracique
Photo 2 (porcelets de post-sevrage) : hémorragie sévère en superficie du cœur

Hypothèses

Les épanchements péricardiques sur les porcelets sont décrits dans des cas de :
- Septicémie colibacillaire,
- Maladie de Glässer (Haemophilus parasuis),
- Carence en Vitamine E – Sélénium (maladie du cœur muriforme),
- Une infection par le virus de l’encéphalomyocardite (EMCV).

Septicémie colibacillaire
Les cas de septicémie colibacillaire sont fréquemment associés à des polyarthrites.
- dans cet élevage des cas de polyarthrites sont décrits mais la plupart du temps les épanchements associés sont très nauséabonds ce qui n’a jamais été le cas sur l’élevage
- on retrouve fréquemment dans ces cas des flammèches de fibrine dans la cavité abdominale

Maladie de Glässer
La maladie de Glässer (due à Haemophilus parasuis) entraîne aussi des épanchements péricardiques associés à des polyarthrites.
- La clinique de l’élevage pourrait correspondre cependant quelques points sont en défaveur de cette hypothèse :
o La maladie de Glässer ne touche normalement que les porcelets sevrés ou les porcs en engraissement (voire les cochettes) mais pas les porcelets sous la truie
o De plus, les cas de maladie de Glässer sur les porcelets en PS entraînent fréquemment aussi péritonite fibrineuse sévère ce qui n’a jamais été observé sur l’élevage

Photo 3 : Polysérosite due à Haemophilus parasuis.

Carence en Vitamine E – Sélénium
Une carence en Vitamine E – Sélénium peut aussi engendrer des épanchements péricardiques. Ceci survient la plupart du temps en fin de période de lactation, en post-sevrage, voire en début d’engraissement. cependant les niveaux de vit E et Sélénium dans l’aliment truie gestante sont à des niveaux relativement élevés en comparaison avec les valeurs usuellement rencontrées (90 ppm dans l’aliment gestante, 130ppm dans l’aliment allaitante)

Infection par le virus de l’encéphalomyocardite
L’infection par l’EMCV peut aussi causer des cas de mortalité subite associés à des épanchements péricardiques.
- cependant de tels cas entraînent souvent une mortalité massive parmi les porcelets associée à des troubles de la reproduction (augmentation des momifiés en particulier) ce qui n’a pas été observé sur l’élevage

Investigations complémentaires et mesures mises en place

Face à ces hypothèses il est difficile de pouvoir trancher de façon certaine, il est donc nécessaire de faire des investigations complémentaires

Bactériologie

Des bactériologies ont été mises en place sur :
- le liquide l’épanchement
- les zones de pneumonie
- le sang du cœur
- écouvillons dans la masse intestinale

Toutes les cultures sont revenues négatives.

Histologie sur le cœur et les poumons

L’histologie sur le cœur et les poumons a révélé :
- une congestion (vasculaire) pulmonaire
- une cardiomyopathie hémorragique elle-même associée à des lésions vasculaires



Après discussion avec l’histologiste, les lésions sont tout à fait compatibles avec des lésions de maladie du cœur muriforme (carence en vitamine E – Sélénium)

Mesures mises en place

Suite au diagnostic de maladie du cœur muriforme, plusieurs mesures ont été mises en place.

1) Mise en place d’une supplémentation Vit E – sélénium pour les truies dans les 3 semaines précédant la mise bas

• Vit E : 300 mg/j pendant 10 jours 3 semaines avant la mise bas
• Sélénium : 2,16 mg/j pendant 10 jours 3 semaines avant la mise bas

2) Sur 80% des portées de la bande suivante (41 / 49 portées), mise en place d’une injection de Vit E – Sélénium au porcelet à 14 jours de vie

• 0,15 mg Sélénium / porcelet
• 20 mg Vit E / porcelet

3) Décalage de la vaccination mycoplasme (faite à 21 jours normalement) en milieu de post sevrage

• pour toutes les portées


Résultat des mesures mises en place et évolution de la situation

Résultats

Sur les portées ayant reçu l’injection de Vit E – Sélénium à 15 jours de vie, aucune perte associée à des épanchements péricardiques n’a été observée.

Sur les 8 portées n’ayant pas reçu l’injection (100 porcelets), 3 mortalités subites sous la truie associées à des épanchements ont été observés. Par la suite 2 autres mortalités identiques ont été relevées en post-sevrage sur ces mêmes animaux.

Conclusion

Même si cela est rarement décrit sur des porcelets en maternité, l’élevage fait face de façon récurrente à des problèmes de carence en Vit E – Sélénium (maladie du cœur muriforme). Ces cas présents de façon ponctuelle et historique sur l’élevage étaient suffisamment rares pour ne pas être trop alarmants. Cet épisode aigu a permis de comprendre de façon certaine l’origine des mortalités sur l’élevage.

Cependant la raison de cette carence est difficilement compréhensible.

On pourrait suspecter un manque d’apport de Vit E – Sélénium par la truie, mais les niveaux dans l’aliment (gestante et allaitante) sont à un niveau relativement élevé en comparaison des valeurs usuellement préconisées en France.
De plus, ce type de carence sur la truie entraîne des problèmes lors de la mise bas (Slpay legs en particuliers) qui n’ont jamais été observé sur l’élevage. Enfin la mise en place d’un supplémentation marquée des truies avant la mise bas n’a pas permis une amélioration de la situation (mortalité observée sur les 8 truies ayant reçu l’apport 3 semaines avant mise bas mais dont les porcelets n’ont pas été piqués).

On peut donc suspecter une surconsommation en VitE – Sélénium de la part du porcelet sous la truie ou un défaut d’assimilation. Ce point n’a pas encore été éclairci sur l’élevage.

Evolution de la situation

Sur les trois mesures initiales, une a été conservée, l’administration de Vit E Sélénium au porcelet à 15 jours de vie. Les mortalités dans la dernière semaine de lactation ont disparues.

Un essai de distribution de Vit E – Sélénium dans des augettes en mélange avec un aliment très appétant a été tenté afin de limiter les injections aux porcelets. Cet essai a lui aussi été concluant, cependant pour des raisons de praticité, l’éleveur a choisi de revenir aux injections à 15 jours de vie sur tous les porcelets.

Commentaire

Voici mes réflexions sur la maladie du cœur muriforme observée dans ce cas clinique

Historique sur l’élevage

Durant l’hiver précédant l’apparition des mortalités sous la truie, une vague de mortalité en maternité avait été notée sur 3 bandes. Sur une bande 18 porcelets étaient morts en fin de lactation.

La mortalité sur ces trois bandes coïncidait avec la réalisation de travaux (en période hivernale) dans les maternités. Durant cette période, on pouvait entendre en maternité de la toux sur les porcelets des 10 jours de vie.
Les travaux dans les maternités (réfection des fonds de fosses et des parois de séparations entre les deux maternités…) ont causé des courants d’air froids sous les porcelets ce qui a pu expliquer la clinique de toux entendue.

Sur les autopsies réalisées à l’époque, on pouvait noter une pneumonie modérée au niveau des lobes apicaux (note pulmonaire de 2/4 pour les 2 lobes apicaux). Les seules lésions notables identifiées étaient une hémorragie du cervelet et une hépatose marquée.

Photo 4 : Hémorragie cérébelleuse

Photo 5 : Hépatose

Ces lésions sont compatibles avec une carence en vitamine E – Sélénium. Le Sélénium et la Vitamine E sont des éléments fortement impliqués dans les mécanismes de protection du cerveau. De plus une hépatose (très rarement observée) peut être notée dans des cas de carence en vitamine E. L’hypothèse d’une carence en Vit E – Sélénium avait donc déjà été suspectée sur l’élevage.
Cependant les analyses histologiques réalisées sur le cœur, les poumons et le cervelet n’ont pas permis de conclure à une carence en Vit E – Sélénium.

Sur ces bandes une injection de Vit E – Sélénium a quand même été réalisée au sevrage afin de limiter tout risque de perte en post sevrage. Les injections de Vit E – Sélénium ont été arrêtées dès la fin des travaux en maternité. La mortalité en fin de lactation a quasiment cessé suite aux travaux (morte de 1 à 3 porcelets par bande)

Bilan

Dans ce cas, il me semble que la carence en Vit E – Sélénium n’est pas due à une carence d’apport de la truie mais plus à une surconsommation de ces vitamines et oligo-oligoéléments par le porcelet.

La Vitamine E et le Sélénium sont deux éléments fortement impliqués dans la protection de l’organisme (protection contre la dégénérescence notamment du cœur, du foie, des tissus nerveux) et dans la stimulation du système immunitaire.

La cause de cette surconsommation est probablement liée aux travaux dans les maternités pour la première vague de mortalité, elle est cependant beaucoup plus difficile à comprendre lors de la seconde vague de mortalité (pas de problèmes d’ambiance en maternité, pas de toux, pas de diarrhée).
Les injections de fer ont parfois été mises en cause dans ces carences car le fer est un agent oxydant toxique pour les cellules s’il est surdosé, cependant les doses de fer utilisées sur l’élevage sont bonnes et l’injection est réalisée à la date prévue (Fer dextran, injection de 1ml à 48 heures de vie).

Dr Fabien LARCHER
Vétérinaire
22 - LOUDEAC

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