Présentation de l'élevage
- Elevage de 800 truies, naisseur-engraisseur, dans une région à faible densité porcine.
- Elevage moderne avec une conduite des salles maternité, post-sevrage et engraissement, en tout plein tout vide.
- La marche en avant est bien respectée.
- Elevage avec fabrication d'aliment à la ferme : formules à base de céréales et de co-produits (lactosérum en particulier).
Performances techniques de très bon niveau
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Appel de l'éleveur
L'éleveur appelle suite à deux porcs en saisie totale à l'abattoir sur un lot de 100 porcs livrés.
La cause de la saisie : abcès multiples au niveau des ganglions en particulier les ganglions trachéo-bronchiques.
La saisie surprend l'éleveur car aucun porc du lot ne présentait de signes cliniques. De plus, il s'agit des meilleurs porcs de la salle (très bon GMQ).
Nous décidons de procéder alors à un premier bilan
Premier bilan
Suite à l'appel de l'éleveur, nous réalisons un premier bilan pour tenter de comprendre les causes de ces abcès.
Bilan respiratoire à l'abattoir
72 poumons contrôlés
77% de poumons indemnes (Note 0/28)
Note moyenne de 0,50/28 (1 seul porc avec une note > 5/28)
2,8 % de pleurésie
Conclusion : bonne note pulmonaire pour un élevage de production et absence de lésion abcèdative pouvant être mise en relation avec les lésions des ganglions.
Bilan des mortalités à l'élevage (engraissement)
Sur les 10 semaines passées, une moyenne de 5 morts/semaine en engraissement, soit moins de 1,5% de mortalité, ce qui est très bon en production.
Bilan des signes cliniques observés
Les seuls signes cliniques observés mais uniquement sur quelques individus :
- amaigrissement de type circovirose (élevage dont les truies sont vaccinées),
- quelques toux en tout début d'engraissement et sortie de PS.
Un bilan clinique très correct qui n'a jamais été aussi bon selon les dires de l'éleveur.
Examen des lésions trouvées sur les porcs saisis
A notre disposition, des photos réalisées à l'abattoir par l'inspection vétérinaire.
Ganglions
trachéo-bronchiques |
Deuxième appel de l'éleveur
L'éleveur rappelle un mois plus tard car il a appris que l'élevage avait été placé en "suspicion de tuberculose" en attendant le résultat des analyses démarrées un mois plus tôt par l'inspection vétérinaire.
Il nous demande d'agir au plus vite pour infirmer ou confirmer cette hypothèse de tuberculose.
Contrôles mis en place
L'importance de cette suspicion nécessite la mise en place immédiate de contrôles en deux points :
1er point : enquête épidémiologique immédiate à l'élevage pour relever d'éventuels facteurs de risques.
2ème point : trouver une lésion analysable en complément de l'échantillon en cours d'analyse afin de démarrer d'autres types d'analyses plus rapides (l'analyse officielle demandant 12 à 15 semaines de délai).
L'enquête épidémiologique a permis de relever les points suivants :
- Absence
de signe clinique anormal dans l'élevage en particulier
sur le plan respiratoire. - Absence d'une alerte médicale quelconque sur les salariés de l'élevage. - Absence de contact inter espèces : ni bovins, ni oiseaux de basse-cour, ni sangliers. - Absence de litière en sciure ou autre matériau, uniquement des caillebotis en béton. - Absence de matière première stockée à l'air libre pouvant être contaminée. - Plan de lutte contre les rongeurs. Aucun rongeur observé dans la fabrique d'aliment. |
Seuls les éléments suivants peuvent être assimilés à un éventuel facteur de risques :
- Présence
de quelques oiseaux (pigeons) dans la fabrique d'aliment, - Utilisation de lactosérum de laiterie, - Sensibilisation dans la région suite à la découverte d'un foyer de tuberculose à Mycobacterium bovis dans une population de sangliers dans une forêt voisine. |
Demande d'analyses complémentaires
Seul restait au laboratoire un broyat de ganglion congelé.
Il a été décidé de démarrer au plus vite une PCR Mycobacterium bovis et Mycobacterium avium. Le résultat devait être obtenu sous une semaine (préparation de l'échantillon, envoi de l'échantillon, etc).
Diagnostic différentiel avec d'autres affections
Mycobactérium
bovis |
Mycobactérium
avium |
Actinomyces
hyovaginalis (1) |
Arcanobacterium
(Actinomyces) pyogenes) (1) |
|
En faveur | / |
Cas rencontrés à l'abattoir
(rare). Possibilité d'un contact avec les oiseaux (fabrication à la ferme). |
Portage très fréquent sur les amygdales. | Portage très fréquent sur les amygdales. |
Contre | Très rare Pas de contact avec les bovins ni la faune sauvage (cerfs, sangliers) |
Rare. Souvent par contamination orale avec atteinte des ganglions mésentériques. Pas de facteur de risque comme la présence de litière ou de sciure. |
Pas de lésion du poumon associée aux lésions des ganglions. | Pas de lésion du poumon associée aux lésions des ganglions. |
(1)- Some new aspects of the pathology, pathogenesis, and aetiology of disseminated lung lesions in slaughter pigs.
Liljegren CH, Aalbaek B, Nielsen OL, Jensen HE. APMIS. 2003 May;111(5):531-8
- Actinomyces hyovaginalis associated with disseminated necrotic lung lesions in slaughter pigs.
Aalbaek B, Christensen H, Bisgaard M, Liljegren CH, Nielsen OL, Jensen HE. J Comp Pathol. 2003 Jul;129(1):70-7.
Exemple
de lésion d’Actinomyces pyogenes |
L'éleveur doit nous prévenir dès l'envoi du prochain lot de porcs à l'abattoir 2 jours plus tard.
Données complémentaires et diagnostic
Le jour de l'abattage, un porc est de nouveau saisi pour la même raison : abcès multiples.
Nous nous rendons sur place pour constater des lésions sur un porc de 91 kg de carcasse.
Au niveau pulmonaire, aucune lésion d'abcès ou de pneumonie.
Au niveau ganglionnaire:
Nœud
lymphatique entrée de la poitrine |
Nœud
lymphatique pré-scapulaire |
Nœud
lymphatique trachéo-bronchique |
Nœud
lymphatique trachéo-bronchique |
Les prélèvements sont faits sur place avec fixation immédiate des échantillons dans du formol pour l'histologie.
De retour immédiatement au laboratoire, nous entamons 3 analyses complémentaires :
- Histologie et coloration de Ziehl
- Bactériologie
- PCR circovirus de type 2
Les résultats sont obtenus sous 48h.
Résultat de l'histologie
Photo LDA 22 |
Avec
coloration de Ziehl Photo LDA 22 |
Présence de multiples granulomes avec souvent un amas de polynucléaires et éosinophiles nécrosés en leur centre. On observe en couronne des macrophages, cellules épithélioïdes et cellules mononuclées. En périphérie du ganglion, on observe des plages de polynucléaires éosinophiles segmentés ou non. Quelques points de minéralisation sont observés. Au centre, quelques granulomes, on observe un amas éosinophilie formant de petites massues.
Coloration de Ziehl : absence de bacille acido alcoolo résistant.
Synthèse : lésions d'actinomycose. Absence de lésion de tuberculose.
Résultat de la bactériologie
Recherche négative en Streptococcus suis, Pasteurella, Actinobacillus pleuropneumoniae, Haemophilus, Corynebacterium, Staphylococcus et Bordetella dans le ganglion
Résultat de la PCR
Identification |
Nbre
d'échantillons |
Circovirus
type II quantitative |
22781-03 |
1 |
1,97
* 1010 |
PCR Circovirus type II quantitative : seuil de charge génomique significative (Blanchard et al, 2004; Sibila et al, 2004.
Sérum : 107 copies virales par ml de sérum analysé – Organes : 1011 copies virales par gramme de tissu analysé
Conclusion : Les lésions observées ne correspondent pas à la tuberculose mais à une infection à Actynomyces pyogenes.
L'absence de mycobactéries a été confirmée plusieurs jours plus tard par la PCR et plusieurs semaines plus tard par la culture.
Commentaires
Ce cas faisait référence à des lésions observées évoquant la tuberculose mais qui se sont révélées être dues à une infection à Actynomyces pyogenes.
Rappel sur la tuberculose en production porcine
Maladie pouvant atteindre le porc due à mycobacterium tuberculosis (homme), mycobacterium bovis (bovin) ou mycobacterium avium (oiseaux).
Les cas en élevage de porcs sont extrêmement rares et peuvent parfois être une découverte d'abattoir (lésions pulmonaires et ganglionnaires).
Le plus fréquent est mycobacterium avium dont le risque pour l'homme et l'animal est beaucoup plus faible par rapport aux deux autres mycobactéries.
Des cas ont été référencés avec mycobacterium bovis sur le sanglier (faune sauvage).
A l'abattoir
On recherchera des lésions au niveau des ganglions (adénopathie) avec ou sans lésion du poumon.
Les lésions peuvent être des nodules caséeux plus ou moins en kystes au niveau des poumons (mycobacteruim bovis) et (ou) lésions caséeuses ou caséo-calcaires au niveau des ganglions mésentériques (mycobacterium avium).
La situation des lésions s'explique par la contamination :
- mycobacterium bovis (poumons ou ganglions de la tête) correspond à une transmission de contact ou aérienne (élevages mixtes porcs-bovins),
- mycobactérium avium (ganglions dont les ganglions mésentériques) correspond à une transmission souvent orale (aliment ou litière contaminés par des oiseaux).
Le diagnostic officiel
La tuberculose est une maladie règlementée; le diagnostic officiel est basé sur la culture de la bactérie qui a une croissance très lente. Ce diagnostic peut demander 12 à 15 semaines.
Les autres méthodes
• Bactérioscopie à partir d'un frottis et une coloration de Ziehl mais seule cette méthode ne permet pas un diagnostic certain.
• L'histologie qui demande une bonne technicité.
• Le diagnostic allergique à l’intradermo-tuberculination
• La PCR : nouvelle technique génomique permettant de mettre en évidence les mycobactéries.
Etant donné la rareté des cas diagnostiqués en porc, l'hypothèse paraît peu vraisemblable mais nécessite la mise en place d'une stratégie de diagnostic en relation avec les autorités sanitaires.
La constatation à l'abattoir de lésions d'abcès miliaires au niveau des ganglions est souvent alarmante. La démarche du vétérinaire est d'entamer aussitôt des recherches complémentaires car attendre l'infirmation ou la confirmation de tuberculose par la méthode officielle est bien trop longue et trop "stressante" pour l'éleveur.
L'histologie est la méthode de choix pour faire un premier tri.
Si la lésion est caractéristique d'une actinomycose comme dans le cas présenté, il n'est pas nécessaire d'entamer la recherche de tuberculose.
L'enquête épidémiologique associée à ce résultat permet, en cas d'absence de facteur de risques, d'exclure totalement l'hypothèse tuberculose.
Dr Philippe LE COZ
Vétérinaire
22 - LOUDEAC