Présentation de l'élevage
· Elevage naisseur-engraisseur de 270 truies de bon niveau sanitaire dans une zone de forte densité porcine.
· Conduite en 7 bandes avec sevrage à 28 jours.
· Principales règles de bio-sécurité respectées :
-Elevage
clôturé, -Contrôle strict des entrées, -Tenues complètes pour les visiteurs : combinaison, charlottes et bottes de l'élevage. -Cochettes provenant d'un multiplicateur unique et contrôlé : indemne d'Aujeszky, de SDRP, de Rhinite atrophique et d'APP. -Quarantaine de 6 semaines, située en bout d'élevage. |
Statut sanitaire
Le niveau sanitaire est bon, l'élevage est indemne de maladie d'Aujeszky et de SDRP.
Résultats techniques
Fertilité écho | 93,5% |
Nés totaux | 13,5/portée |
Nés vivants | 12,6/portée |
Sevrés | 11,1/portée |
Programme de prophylaxie
Appel de l'éleveur
L'éleveur appelle pour des diarrhées néonatales sur des porcelets de portées de cochettes. Les diarrhées commencent pendant le week-end (souvent le dimanche), c'est-à-dire vers mise-bas + 3 à 4 jours et affaiblissent beaucoup les porcelets.
Les traitements habituels utilisés par l'éleveur (colistine en pâte orale et quinolones en injection) ne semblent pas donner de résultats satisfaisants. La mortalité reste cependant faible mais les porcelets ne récupèrent pas totalement (petits au sevrage).
La visite est programmée pour les mises-bas de la bande suivante et deux porcelets atteints de diarrhée et non traités sont envoyés au laboratoire pour un examen lésionnel et une recherche bactériologique.
Quelles sont les hypothèses possibles ?
- Colibacillose néonatale : possible mais sur des sérotypes différents de ceux contenus dans le vaccin utilisé sur les cochettes : K 88, K 99, 987P
- Diarrhée à Clostridium perfringens : possible mais la faible mortalité ne semble pas correspondre à une entérite nécrotique.
- Diarrhée à Clostridium difficile : possible car la morbidité est élevée et la mortalité assez faible.
- Diarrhée à Rotavirus : possible.
- Diarrhée non spécifique due à un problème de lactation ou une insuffisance de consommation de colostrum sous les cochettes : possible même si l'éleveur n'a pas indiqué un changement de méthode de travail ou de personnel.
Visite de l'élevage
Visite de la maternité le lundi après les mises-bas
Toutes les portées de cochettes présentent de la diarrhée, liquide et jaune. Les porcelets sont amaigris, déshydratés et frileux.
Les autres portées ne présentent pas de diarrhée.
1. Examen individuel des cochettes (8 cochettes)
ð Température : de 39°C à 39,8°C
ð Mamelles : seule 1 mamelle est légèrement congestionnée sur sa partie postérieure.
ð Comportement : calme et maternel (tétées pendant la visite).
2. Examen des porcelets
Allotement des porcelets
L'allotement de "répartition" est réalisé rapidement après les mises-bas.
´ Mises-bas de la nuit ou du matin : allotement et soins vers 14h
´ Mises-bas de l'après-midi : allotement et soins vers 17h
A noter que les mises-bas des cochettes ne sont pas déclenchées.
A noter que "théoriquement" les allotements de cochettes ne sont réalisés qu'entre cochettes.
N° |
Nés-vivants |
Gardés |
"Exportés vers" | "Importés de " |
1 |
13 |
12 |
1 petit vers n°8 | |
2 |
10 |
10 |
2 reçus de la n°8 | |
3 |
14 |
12 |
2 petits vers n°8 | |
4 |
10 |
10 |
3 reçus de la n°8 | |
5 |
13 |
13 |
||
6 |
11 |
11 |
1 reçu de la n°8 | |
7 |
11 |
11 |
1 reçu de la n°8 | |
8 |
7 |
0 |
7 vers les n°2, 4, 6 et 7 | 12 petits dont 1 de la n°1, 2 de la n°3 et 9 proviennent de multipares |
Soins des porcelets
Deux fois par jour suivant les mises-bas :
- injection de fer dextran,
- coupe des queues.
A noter que la coupe des dents n'est pas pratiquée et que le tatouage et la castration sont effectués à 5 jours (lundi)
3. Autres points
L'éleveur signale qu'il a été confronté il y a quelques mois à un problème "d'arthrites" vers 10-15 jours avec des mortalités "brutales" dans quelques cas.
A cette époque l'analyse d'un porcelet donnait le tableau suivant :
1
porcelet de 14 jours * Appareil circulatoire et hémato-lymphopoïétique - Cœur : liquide péricardique trouble - Rate : congestionnée - Ganglions : congestionnés * Appareil respiratoire Poumons : pleurésie * Appareil digestif Foie : congestionné Intestin grêle : RAS * Cavité abdominale : péritonite * Appareil locomoteur : polysérosites Bactériologie Escherichia coli non sérotypable à partir du liquide céphalo-rachidien, du foie, du rein, de la plèvre. Recherche d'Haemophilus parasuis et streptocoques suis négative. Antibiogramme
(*S
: sensible – I : intermédiaire – R : résistant)
|
Visite de la quarantaine et circuit des cochettes jusqu'à la mise-bas
Le problème étant circonscrit sur les cochettes, l'hypothèse d'une mauvaise immunité conduit à suivre les différentes étapes depuis leur arrivée.
1. Quarantaine (conduite en tout plein tout vide)
- La quarantaine n'est pas réellement isolée (bout du bâtiment) et l'éleveur ne prend pas de précautions particulières pour s'y rendre (2 fois par jour).
- Les vaccinations anticolibacillaires sont réalisées 2 fois à 3 semaines d'intervalle avec un vaccin contenant les valences : K 88, K 99, 987P
Un rappel est réalisé 3 semaines avant mise-bas (3 injections avant la 1ère mise-bas).
Les vaccinations sont effectuées "au vol" avec des aiguilles jetables (1 pour 5 cochettes).
- Une fois par semaine, l'éleveur distribue dans la case des enveloppes fœtales (caillebotis intégral).
2. Verraterie
Les cochettes sont regroupées dans des places bloquées pour la synchronisation au REGUMATE, puis inséminées sur place.
Pas de réactions particulières (toux, retours, …) constatées par l'éleveur lors de ce contact avec le microbisme des truies multipares.
3. Gestantes
Les cochettes, après le contrôle échographique, sont mises en lots en liberté dans une salle séparée. Parfois quelques multipares complètent des places libres.
Résultats des analyses et conseils à l'éleveur
Résultats des analyses de laboratoire
L'analyse des deux porcelets atteints de diarrhée et non traités donne les résultats suivants :
Autopsie
Deux porcelets vivants de 4 jours présentant une diarrhée importante
Intestin grêle
: contenu très liquide avec des anses intestinales très distendues Cæcum : contenu très liquide Gros intestin : pas d'œdème du mésocôlon Autres organes : RAS |
Bactériologie et autres recherches :
Porcelet
n° 1 |
Porcelet
n°2 |
|
E. coli | +
(H -) |
+
(H-) |
Dénombrement (UFC/g) | 10
7 |
10
5 |
Sérotypage (0138K81, 0139K82, 0141K85) | O141K85 |
- |
Adhésines (K88, K99, 987P, F41, F107, Eae, AIDA) | - |
- |
Toxines (Sta, Stb, LT, Vte, East 1) | Sta |
- |
Clostridium perfringens | - |
- |
Clostridium difficile | - |
- |
Rotavirus | - |
- |
Antibiogramme de E. coli 0141K85 :
Antibiotiques | Interprétation
(*) |
||
S |
I |
R |
|
Aminosides | |||
Gentamycine (10 UI) | X |
||
Spectinomycine | X |
||
Apramycine | X |
||
Néomycine | X |
||
Bêta-lactamines | |||
Amoxicilline | X |
||
Ceftiofur | X |
||
Fluoro-Quinolones | |||
Enrofloxacine | X |
||
Marbofloxacine | X |
||
Polypeptides | |||
Colistine | X |
||
Quinolones de 1ère génération | |||
Acide oxolinique | X
|
||
Fluméquine | X |
||
Sulfamides et association | |||
Triméthoprime + sulfamides | X |
||
Triméthoprime | X |
||
Tétracyclines | |||
Oxytétracycline | X |
Conseils à l'éleveur
Le diagnostic retenu était : Diarrhée néonatale à E. coli
1. Conseils et mesures "techniques"
Commencer par appliquer les mesures suivantes:
- Pour
les portées nombreuses (> 13), bloquer plusieurs fois par jour
les gros porcelets pour permettre aux petits de consommer le colostrum. - Pour les adoptions, retirer les gros porcelets et non les petits qui resteront sous leur mère. |
2. Préparation d'un autovaccin
En cas d'échec des mesures précédentes, préparer un autovaccin à partir de la souche d'E. coli isolée pour une vaccination 6 et 3 semaines avant mise-bas.
3. Traitement des porcelets malades
Injection de ceftiofur dès l'apparition des premiers signes de diarrhées.
4. Mesures d'hygiène
- Intensifier la désinfection en maternité avec une double désinfection du sol (caillebotis béton).
- Analyser l'eau de boisson (eau de réseau) au robinet de l'entrée en maternité (analyse bactériologique).
Evolution du cas et nouvel appel de l'éleveur
L'éleveur rappelle après 3 bandes avec le nouveau protocole d'allotement et de soins et après la contamination des cochettes avec les diarrhées.
Le problème persiste toujours et le traitement ceftiofur ne semble pas donner de résultats.
L'autovaccin est mis en place.
L'éleveur rappelle après 3 mois constatant l'échec de la prévention mise en place.
Par contre, ayant pratiqué l'analyse d'eau demandée lors de la visite, l'éleveur est étonné de constater une contamination bactériologique dans le circuit.
Paramètres | Ech. 1 | Unités | Normes |
Coliformes totaux | 5 |
ger/100 ml | 0 |
Coliformes fécaux | 3 |
ger/100 ml | 0 |
Streptocoques fécaux | 1 |
ger/100 ml | 0 |
En recherchant l'explication, l'éleveur découvre qu'une cuve extérieure utilisée pour maîtriser les variations de pression, n'avait jamais été nettoyée.
Pour l'éleveur, sans aucun doute, la pollution très importante de la cuve est à l'origine des problèmes. La cuve est entièrement nettoyée et un traitement supplémentaire de l'eau aux péroxydes est mis en place.
Sur la bande suivante, l'amélioration est totale, aucune diarrhée sur les portées de cochettes.
Malheureusement, la bande suivante, nouvel appel de l'éleveur! Les diarrhées néonatales sur les porcelets de cochettes recommencent …..
Nouvelle visite d'élevage
Lors de la visite, aucun nouveau facteur de risque n'a été mis en évidence. Il est décidé de refaire une analyse bactériologique sur 2 porcelets atteints de diarrhées et de compléter cette analyse par une histologie de l'intestin.
Résultats des nouvelles analyses
L'autopsie des deux porcelets ne révèle pas de lésions nouvelles.
Il est demandé au bactériologiste de "pousser" ses investigations le plus loin possible et des porcelets sont envoyés pour l'examen histologique.
Sujet n° 1 | E. coli non typable >107 UFC/g et isolement d'Enterococcus appartenant au groupe E. durans/villorum/hirae |
Sujet n° 2 | E. coli non typable 105 UFC/g et isolement d'Enterococcus appartenant au groupe E. durans/villorum/hirae |
L'antibiogramme d'Enterococcus hirae est éloquent
Antibiotiques | Interprétation
(*) |
||
S |
I |
R |
|
Aminosides | |||
Gentamycine (10 UI) | X |
||
Spectinomycine | X |
||
Bêta-lactamines | |||
Amoxicilline | X |
||
Ceftiofur | X |
||
Fluoro-Quinolones | |||
Enrofloxacine | X
|
||
Marbofloxacine | X
|
||
Divers | |||
Tiamutine (indication CEVA) | X
|
||
Quinolones de 1ère génération | |||
Fluméquine | X |
||
Macrolides | |||
Tylosine | X |
||
Spiramycine | X |
||
Tilmicosine | X |
||
Macrolides lincosamides | |||
Lyncomycine | X |
||
Sulfamides et association | |||
Triméthoprime + sulfamides | X |
||
Phénicolés | |||
Florfenicol | X |
||
Tétracycline | |||
Doxycycline | X |
||
Tétracycline | X |
Le résultat histologique est lui aussi riche d'enseignements.
COMPTE-RENDU
D’EXAMEN HISTOLOGIQUE Chacun des prélèvements est examiné en 1 plan de coupe. Nous observons les mêmes altérations dans les deux cas soumis à examen. Elles sont toutefois plus sévères sur l'animal noté 2. Les villosités paraissent courtes dans certaines zones et les glandes de Lieberkühn allongées et bordées par des entéroblastes. L'épithélium villositaire peut être atrophié par zones dans les régions villositaires apicales. Cet épithélium est tapissé par une population bactérienne très abondante sur l'animal 2, plus irrégulière dans le cas 1. Les bactéries sont le plus souvent de type coccoïde mais peuvent (sur l'animal 1) être associées à des bactéries de type bacillaire plus typique. De rares images de nécrose entérocytaire sont observées. Lorsque la densité bactérienne est faible, les villosités paraissent plus longues.
Conclusion Il s'agit d'une lésion d'entérite d'origine bactérienne (cocci). |
Le diagnostic est donc : diarrhée néonatale à Enterococcus hirae
A la lumière des résultats, il est décidé de changer le traitement : amoxicilline injectable pendant 3 jours.
Dès la mise en place, l'éleveur constate l'efficacité du nouveau traitement et nous interroge sur la prévention à mettre en place.
Un essai d'autovaccination est en cours mais dès à présent, l'éleveur a réussi à limiter l'impact de ces diarrhées.
Note
du laboratoire L’identification biochimique du genre enterococcus ne permet de différencier avec suffisamment de certitude Enterococcus durans de E.hirae et E.villorum. Les techniques de biologie moléculaire permettent aujourd’hui d‘identifier d’une manière plus précise ce groupe. Dans le cas présent, l’identification a conclu à Enterococcus hirae. |
Commentaires
Il s'agit d'un cas de diarrhées néonatales à Enterococcus hirae.
Les diarrhées néonatales sont fréquentes et dans un certain nombre d'élevages, elles persistent malgré les plans de vaccination et de traitement mise en place.
S'il est certain que ces diarrhées touchant uniquement des portées de cochettes sont à mettre en relation avec un problème d'immunisation de cette sous population particulière, il n'est pas toujours évident d'y remédier.
- Contamination en quarantaine
- Vaccination anticolibacillaire
- Surveillance de la consommation de colostrum
Le recours à l'examen histologique est très intéressant pour établir un diagnostic et la prévalence des diarrhées à Enterococcus hirae/durans est peut être sous estimée en France.
En 2000 aux USA, la prévalence était de 12% pour les élevages et de 5% pour les porcelets dans les problèmes de diarrhées sous la mère.
%
d'élevages positifs |
%
de porcelets positifs |
|
Rotavirus | 42 |
36 |
Clostridium difficile | 55 |
29 |
Non diagnostiqué | 3 |
22 |
SDRP | 15 |
10 |
Enterococcus durans | 12 |
5 |
G.E.T. | 6 |
3 |
E. Coli | 9 |
3 |
Entérite nécrotique à Clostridium | 6 |
2 |
Source: M. Yaeger, American Association of Swine Veterinarians, 2001 |
Il est possible d'obtenir plus de détail sur certains Enterococcus dans l'article intitulé Enterococcus villorum sp., an enteroadherent bacterium associated vith diarhoea piglets , de M. Vancanneyrt, C. Snauwaert, I. Cleenwerck, M. Baele in International Journal of Systematic and evolutionnary microbiology (2001), 51, 393-400.