L’éradication est l’élimination totale d’un agent pathogène. C’est l’objectif de certaines campagnes de lutte, mais cette stratégie ne s’applique pas à tous les pathogènes. Par exemple, ceux qui ont un réservoir dans la faune sauvage (comme le virus de la grippe aviaire) ou ceux qui ont des formes de résistance importantes dans le milieu extérieur (comme les spores du bacille du charbon) ne peuvent être éradiqués. Seul le virus de la variole a pu l'être à l’échelle planétaire.
À l’échelle d’un pays, l’éradication de certains agents pathogènes est un objectif plus aisément atteignable (comme pour le virus de la fièvre aphteuse en Europe ou de la maladie d’Aujeszky en France), mais le risque de réintroduction de ces agents est permanent (pas forcément élevé).
À l’échelle d’un élevage, l’éradication d’un pathogène est également possible (par exemple pour le virus SDRP), mais le risque de réintroduction reste présent, en particulier dans les zones à forte densité d’élevage.
Dans la filière porcine, plusieurs stratégies ont abouti à l’éradication de certains pathogènes, à l’échelle d’exploitations ou de pays entiers (par exemple, la Suisse est indemne de Mycoplasma hyopneumoniæ). Parmi les stratégies utilisées figurent :
1. dépeuplement total, suivi d’un repeuplement avec des sujets indemnes, 2. analyses de contrôle et élimination des animaux positifs, 3. fermeture de l'élevage afin de contrôler l'agent pathogène, qui arrête de circuler une fois que la totalité des animaux sont immuns, 4. production de porcs négatifs à partir de truies positives. |
Ces stratégies pourraient-elles s’appliquer au PCV2 ?
Maternité après dépopulation totale
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1. Dépeuplement total et repeuplement
Ce serait apparemment la meilleure solution, mais où trouver suffisamment d’animaux non infectés par le PCV2 pour effectuer le repeuplement ?
2. Analyses de contrôle et élimination des animaux positifs Cette option ne paraît pas réaliste car le PCV2 est un virus présent dans la majorité des élevages : sa circulation est importante en élevage, et les réinfections sont impossibles à éviter. D’autant plus que, dans la majorité des élevages conventionnels, les reproducteurs sont infectés à plus de 80 %.
Pour certains auteurs, cette stratégie de “contrôle et élimination” est économiquement viable si le pourcentage d’animaux positifs dans un élevage est inférieur à 10 %. Ce qui s’accorde peu avec la forte proportion d’animaux infectés en élevage conventionnel. Même si c’était le cas, la disponibilité d’une “source” d’animaux indemnes de PCV2 reste un problème.
3. Fermeture de l'élevage pour stabiliser l'infection
Il est aujourd’hui acquis que cette stratégie n’entraînera pas l’arrêt de la transmission de l’infection par le PCV2 car il suffit qu’un seul porcelet soit infecté précocement pour qu’il soit à même de contaminer ses congénères.
Dans la mesure où elle permet de stabiliser l’élevage vis-à-vis d’autres infections comme le SDRP, cette option peut, secondairement, entraîner une diminution de l’impact clinique de la MAP. Mais l’infection subclinique par le PCV2 se développe tout de même. Là encore, la disponibilité d’une “source” d’animaux indemnes de PCV2 reste un écueil.
4. Production de porcs négatifs à partir de truies positives
Ce serait probablement le choix le plus réaliste, qui est théoriquement réalisable. Cela suppose toutefois l’absence de circulation du PCV2 en salle de maternité et une ségrégation stricte des animaux du sevrage jusqu'à l’abattage. La question qui demeure est : à quelle fréquence cette pratique réussit-elle ? Actuellement, personne ne sait y répondre.
En tenant compte du fait que le PCV2 est un virus à la fois :
- ubiquiste (il est pratiquement impossible de trouver des élevages conventionnels séronégatifs) ;
- hautement contagieux (une fois que les premiers porcs sont infectés, ils infecteront sur une courte période tous les autres animaux du même lot) ;
- hautement infectieux (de faibles doses du virus entraînent l’infection de l’animal : même si cette infection reste subclinique, il y a excrétion) ;
- très résistant dans le milieu extérieur (y compris à la plupart des désinfectants utilisés en élevage).
Il semble clair que l’éradication du PCV2 paraît illusoire. À l’échelle d’un élevage, elle est théoriquement envisageable, mais le risque de réinfection est tellement élevé qu’un tel objectif ne semble pas économiquement rentable. Il est toutefois possible de maintenir une exploitation indemne de PCV2 : c’est le cas de l’élevage protégé de la station de l’Afssa-Ploufragan depuis plus de 20 ans. Mais cela se fait au prix de mesures de biosécurité d’un niveau inabordable pour un élevage conventionnel.
En conclusion, parler aujourd’hui de l’éradication de l’infection par le PCV2 semble ne pas avoir de sens, ni économique, ni pratique. La disponibilité de vaccins efficaces contre le PCV2 a ôté à la problématique de l’éradication de l’infection subclinique son caractère de priorité sanitaire.
Adaptée à la situation française et actualisée par les Drs JB Herin,N. Bridoux et F. Joisel