La compétitivité du maillon alimentation animale dépend de facteurs coût (prix, logistique, performance) et d’autres facteurs comme la segmentation, les attentes sociétales... La dynamique de l’élevage impacte aussi les investissements de ce secteur de la filière porcine. Les grands producteurs européens, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, ont développé des stratégies différentes pour répondre à ces évolutions.
L’Espagne est le premier producteur d’aliment du bétail avec 11,5 Mt pour l’élevage porcin en 2020. Contrairement à ses concurrents européens, son cheptel croît et la filière porcine se développe dynamisée par l’intégration. La majorité de l’aliment porcin (84 % en 2020) est fabriquée par des filiales intégrant l’élevage et parfois les entreprises d’abattage-découpe et transformation, favorisant l’adéquation entre nutrition animale et attentes des industries de la viande. Très dépendant des importations de matières premières, l’aliment espagnol a un prix très supérieur à ses concurrents à 262 €/t en 2018-2020 (+ 8 % comparé au prix de l’aliment en France calculé par l’IFIP). Il existe peu de segmentation pour l’aliment en Espagne, sauf en filière porc ibérique. Dans cette filière, l’utilisation de tourteau est interdite ce qui fait que l’aliment pour porc ibérique est 5 à 7 % moins cher que l’aliment conventionnel mais avec un indice de consommation bien plus élevé.
En Allemagne, le prix de l’aliment pour l’engraissement des porcs était de 243 €/t entre 2018-2020, soit le moins cher des 4 principaux producteurs européens. L’importante production de céréales du pays et la compétitivité de son industrie de trituration permettent à la filière porcine d’être peu dépendante des importations et de bénéficier de prix de matières premières très attractifs. En 2020, d’après la FEFAC (Fédération Européenne des Fabricants d’Aliments du Bétail), l’Allemagne a produit 9 Mt d’aliments composés. Poussés par les attentes sociétales et environnementales, les fabricants d’aliment ont créé des gammes d’aliments biologiques et non OGM. En Allemagne, 5 % des volumes totaux d’aliment du bétail sont issus de l’agriculture biologique (2 % en France) et 35 % des tourteaux de soja utilisés sont sans OGM (13 % en France). La part d’aliment porcin reste faible comparativement aux autres filières animales. Le segment de l’alimentation animale sans OGM est menacé par les prix élevés du tourteau de soja non OGM et par la disponibilité des autres matières non OGM comme le tournesol dont l’Ukraine est le principal exportateur mondial. La disponibilité en matières premières ne peut donc satisfaire la forte demande et la production d’aliment non OGM sera probablement limitée par ces prix très élevés.
Au Pays-Bas, le cheptel porcin a baissé de 10 % en 10 ans. Cette tendance soutenue par le gouvernement pour des questions environnementales et sociétales, risque de s’accentuer dans les prochaines années. La production d’aliment en est impactée. Aux Pays-Bas, environ 80 % des besoins en aliment porcin sont couverts par les fabricants d’aliment, soit 5 Mt en 2020, le restant provient de la fabrication d’aliment à la ferme. Les Pays-Bas sont tributaires des importations de matières premières en raison du peu de superficies cultivées. Malgré les infrastructures logistiques compétitives telles que le port de Rotterdam, les prix des matières premières aux Pays Bas restent supérieurs à celles de ses concurrents européens. En 2018-2020, le prix de l’aliment s’élevait à 247 €/t en moyenne, soit 4 % supérieur à l’aliment français. Pour rester compétitifs, les fabricants d’aliment industriels misent sur l’innovation, la durabilité et l’exportation de leur savoir-faire. L’utilisation de co-produits de l’agro-industrie est un des leviers actionnés. Près de 10 % des matières premières utilisées en alimentation animale sont des co-produits. L’utilisation d’aliment liquide et de co-produits nécessite des investissements et des systèmes d’alimentation spécifiques. Le transport est un frein au développement et à l’export du concept car ces aliments sont essentiellement composés d’eau.
Dans la conjoncture actuelle, le maillon de l’alimentation animale se révèle indispensable pour maîtriser les coûts de production de la filière porcine. Chaque pays adopte sa propre stratégie qui évolue selon la dynamique de l’élevage porcin, dépendante des marchés et des politiques publiques.