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Le vendredi 10 janvier, une nouvelle percutante a éclaté : un cas de fièvre aphteuse a été déclaré dans une ferme de buffles d’eau non loin de Berlin. Le premier cas détecté en Allemagne après 37 ans d’absence. Sans aucun doute, c’est la nouvelle du mois, et probablement celle de l’année dans le secteur porcin européen. Encore des ennuis pour l’Allemagne.

La gravité de la situation actuelle, combinée au risque potentiel de propagation de la maladie, nous a poussés à publier ce commentaire bien avant la fin du mois, contrairement à nos habitudes.
Le premier marché après les fêtes en Allemagne a eu lieu le mercredi 8 janvier. La séance s’est soldée par une chute brutale de 10 centimes par kilo carcasse : il y avait beaucoup de porcs en retard à cause des jours fériés, et la capacité des abattoirs à les absorber était (et reste) limitée par le manque de personnel.
Le vendredi 10 janvier, la présence de la fièvre aphteuse sur le territoire allemand a été confirmée ; le marché de la semaine suivante s’est clôturé par une nouvelle baisse de 10 centimes par kilo carcasse.
En Espagne, notre marché de référence a enregistré une baisse de 1 centime d’euro le jeudi 9 janvier, suivie d’une autre baisse de 1,50 centime le jeudi 16. On s’attendait à un mois de janvier calme et sans perturbations, avec des prix stables, le temps que les abattages absorbent les porcs en retard. Cette stabilité n’a pas pu être maintenue pour deux raisons principales :
- Le poids moyen des carcasses atteint des niveaux records, s’approchant dangereusement des 98 kg ; des porcs aussi lourds produisent des pièces de découpe très difficiles à commercialiser. Ces poids excessifs compliquent gravement le travail des abattoirs et des salles de découpe.
- Le vendredi 17 janvier, la conversion théorique du prix allemand en euros par kilo vif, pour une qualité équivalente, était de 1,34 (selon Mercolleida) ; en Espagne, le prix était de 1,54. Une telle différence est un frein trop important pour le prix local.
L’Union européenne, dans son ensemble, retient son souffle en attendant de voir comment évoluera la propagation de la maladie ; si aucun nouveau cas n’émerge et que la maladie reste confinée à ce foyer unique, le marché ne souffrira pas de perturbations majeures. En revanche, si la maladie se propage à d’autres foyers, la situation pourrait devenir incontrôlable, et tout pourrait arriver. Cela pourrait engendrer un chaos désorganisé où chacun tenterait de sauver sa peau.
Quoi qu’il en soit, les conséquences du problème allemand (qui s’ajoute à la présence persistante de la PPA) affecteront immédiatement et directement les pays voisins, tandis que la distance ne protégera que partiellement le marché espagnol.
L’écart actuel de 20 centimes d’euro par kilo vif (soit environ 27 centimes en carcasse, c’est-à-dire sur la viande) entre le prix allemand et le prix espagnol n’est pas tenable sur la durée. Au sein de l’UE, les marchés fonctionnent comme des vases communicants (certes imparfaits, mais communicants), et si cette différence n’est pas corrigée, cela entraînerait une arrivée massive en Espagne de viandes allemandes à des prix bas ou très bas.
Si la fièvre aphteuse devait se propager, cela entraînerait des problèmes dans TOUS les pays membres de l’UE, en particulier en Allemagne et dans les pays satellites ; dans une moindre mesure en Espagne, grâce à la distance géographique.
Nous ignorons ce que l’avenir nous réserve ; nous ne pouvons que croiser les doigts et espérer que ce nouveau problème sanitaire ne prenne pas plus d’ampleur.
L’Allemagne a perdu la possibilité d’exporter vers presque tous les pays tiers. Quoi qu’il arrive, elle ne pourra pas récupérer ces débouchés avant plusieurs mois, au mieux. Les perturbations commerciales liées à cette situation sont donc garanties. La présence de la fièvre aphteuse en Allemagne agira comme un poids mort pour toutes les cotations européennes, en les freinant et en limitant leur potentiel de revalorisation. D’une manière ou d’une autre, les prix en 2025 n’atteindront pas les niveaux qu’ils auraient pu atteindre dans une situation normale.
Depuis le début de l’année, les prix de la viande sont en baisse (notamment en Europe de l’Est), et ce à un rythme bien plus rapide que les modestes baisses des prix du porc vif en Espagne. La conséquence immédiate est que les marges des abattoirs espagnols se détériorent significativement. Si cette tendance se poursuit, des temps difficiles (voire très difficiles) se profilent pour les entreprises d’abattage et de découpe.
Il n’y a jamais deux années semblables ; 2025 a commencé avec des baisses de prix et cette triste nouvelle que nous venons d’exposer. Nous verrons ce que les mois à venir nous réservent.
Terminons avec un proverbe tiré de l’inépuisable sagesse populaire espagnole : « On apprend plus en deux mois d’adversité qu’en dix ans à l’université. » Il est nécessaire d’affronter les problèmes de face et de les gérer ; la plupart du temps, ils arrivent sans prévenir.

Guillem Burset