Description de l'élevage et de la situation
Il s'agit d'un élevage naisseur-engraisseur de 250 truies sur deux sites dans une zone de forte densité porcine dans l’Ouest de la France, en Bretagne :
- site 1 : 250 truies et 1300 places de post-sevrage (départ vers 30 kg)
- site 2 : engraissement de 2000 places environ
L’élevage a été repeuplé en 2000 lors du rachat de l’élevage par un jeune éleveur.
L'éleveur achète ses cochettes à l'extérieur ainsi que les doses d'insémination. La conduite est en 7 bandes et le sevrage a lieu à 21 jours.
L’aliment est également acheté et l’eau provient du réseau
L’exploitation est gérée par l’éleveur et un salarié
Statut sanitaire
SDRP: négatif sur le site 1, positif sur le site 2 | |
Actinobacillus pleuropneumoniae : négatif pour les sérotypes 2 et 1-9-11 | |
Maladie d'Aujeszky : négatif | |
Mycoplasma hyopneumoniae: positif, épisodes cliniques après le repeuplement | |
Gale sarcoptique: positif |
Prophylaxies effectuées
Vaccination parvovirose (truies et cochettes) | |
Vaccination rouget (truies et cochettes) | |
Vaccination colibacillose (truies et cochettes) | |
Vaccination rhinite atrophique (truies et cochettes) | |
Vaccination mycoplasme (cochettes et issus) | |
Ivermectine (truies et cochettes) |
Appel de l'éleveur
L'éleveur inquiet nous appelle pour nous signaler des mortalités assez brutales sur des porcelets sous la mère entre 5 jours d’âge et jusqu’au sevrage.
Les résultats techniques du naissage sont tout à fait satisfaisants :
Année
2004 |
|
ISSF | 8,2
j |
Taux de mise bas | 92% |
Nés totaux | 14,2 |
Sevrés | 11,7 |
Visite de l’atelier
Quarantaine
Isolée des autres bâtiments
Réception de cochettes négatives SDRP et App sérovar 2 et 1-9-11
Quarantaine sur caillebotis, qui contient régulièrement deux lots de livraisons différentes
Réception toutes les 6 semaines, contamination avec délivres, déjections de maternité et truie de réforme. Age de 5 mois ½ à l’arrivée.
Séjour en quarantaine de 6 semaines
Aliment gestante.
Les animaux observés ce jour ne présentent pas de signe pathologique notable.
Verraterie-Gestante
Bâtiment bien tenu. 3 salles différentes.
Alimentation à sec au doseur (2 repas par jour) et abreuvement dans une auge à niveau constant. Les doseurs et les descentes sont nettoyés régulièrement.
Bon état d’embonpoint des animaux, pas de rectite, pas de signe de gale, peu d’écoulement vulvaire observé.
Maternité
Aliment gestante jusque 4 jours après la mise-bas
Mises-bas déclenchées partiellement (fin de semaine) à 114 jours et prostaglandines et sergotonine systématiques après mise bas.
Les adoptions de ré-équilibrage sont réalisées très tôt après la naissance.
Soins aux porcelets à la naissance : coupe des queues et des dents, injection de fer
A ce stade, on n'observe pas de pathologie particulière :
- Pas de diarrhée sur la phase maternité, peu d’arthrite
- Pas de signe clinique anormal sur les truies
Remarques relatives aux cas ayant motivé l’appel
Nous avons avec l’éleveur analysé les cas observés et nous pouvons signaler que :
- L’éleveur observe des cas depuis 3 bandes, ils ne semblent pas en augmentation, la bande précédente n’a même pas eu de cas et la bande la plus touchée a eu 8 cas.
- Les porcelets atteints peuvent provenir de portées différentes et indépendamment de la parité de la mère. Ils peuvent être touchés à des âges variables.
- L’éleveur observe des cas sans relation avec la position de la case dans une salle et quelle que soit la salle de maternité.
- Les symptômes observés sont une faiblesse des sujets atteints avec une mort relativement rapide. Les porcelets présentent des lésions faisant penser à des hématomes sur des zones déclives ou de frottement. Elles ne semblent pas prurigineuses.
- Des traitements à la pénicilline injectable ne donnent aucun résultat.
Hypothèses étiologiques, examens complémentaires demandés et premiers résultats
Hypothèses étiologiques
Les observations relatives à ce cas nous amènent vers les hypothèses suivantes :
Ecrasés | La localisation des lésions ne semble pas logique (dissémination sur l’ensemble du corps sur un même porcelet) |
Rouget | Le type de lésion (cf. photos) n’est pas du tout typique de lésions de rouget. |
Epidermite exsudative | Le type de lésion (cf. photos) n’est pas du tout typique de lésions d’épidermite |
Purpura | Le type de lésions et leur localisation sont compatibles avec cette hypothèse mais la dissémination des cas dans plusieurs portées est moins évocatrice de cette pathologie. |
Examens complémentaires réalisés et résultats
Etant donné notre peu d’imagination sur une étiologie flagrante, nous demandons à l’éleveur d’amener le(s) prochain(s) porcelet(s) atteint(s) au laboratoire d’analyse pour autopsie, bactériologie et histologie si nécessaire.
- Résultat d’autopsie
Un porcelet de 1,3 kg traité à la pénicilline injectable la veille est amené au laboratoire 4 semaines après la visite.
Le compte rendu d’autopsie signale :
Examen externe | Etat général
correct Présence d’hématomes au niveau des zones de frottement (genoux, jarrets, joues) |
Appareil circulatoire | RAS |
Appareil respiratoire | RAS |
Appareil digestif | Foie hypertrophié sinon RAS |
Appareil uro-génital | RAS |
Commentaire | Hypertrophie
ganglionnaire généralisée Lésions cutanées évocatrices de troubles de la coagulation |
- Résultat de bactériologie
Aucune bactérie n’a été isolée à partir des lésions observées.
- Résultat d’histologie
Ganglion | Sur les 2 coupes, on observe une importante infiltration de cellules polynucléaires ainsi que la présence de pigments ocres d’aspect ferrique (suite injection de fer ?) |
Foie | On observe une hématopoïèse extra-médullaire. |
Rein et moelle épinière | RAS |
Peau | Sur les 2 coupes on observe une importante congestion vasculaire, un œdème et une infiltration de cellules inflammatoires mono et polynucléaires ainsi que des globules rouges, focalisée dans le derme. On note aussi la présence d’amas bactérien et de cellules inflammatoires à différentes étapes de dégénérescence. |
Synthèse | Dermatite
aiguë d’allure bactérienne Ganglion réactionnel |
Mise en place des mesures correctives
Etant donné les conclusions de l’histologie évocatrice d’un problème infectieux, nous conseillons à l’éleveur de traiter les porcelets atteints avec une amoxycilline injectable retard deux fois à 48 h d’intervalle.
Evolution des résultats et de la clinique - Diagnostic
Nouvel appel de l’éleveur et nouveaux examens complémentaires
2 mois après l’application des conseils prodigués, l’éleveur nous appelle pour nous signaler qu’il n’y a aucune évolution favorable. Le problème est toujours le même et les traitements ne donnent aucune réponse.
Nous lui conseillons d’amener de nouveaux sujets au laboratoire, en début d’évolution et surtout sans traitement préalable.
Résultats des examens de laboratoire
- Résultat d’autopsie de 2 sujets
Examen externe | "Erythème" important sur les deux sujets plus particulièrement au niveau du cou, de la face interne des membres, du bout des pattes et sur l’abdomen |
Appareil circulatoire | Ganglions un peu réactionnels Œdème des ganglions inguinaux |
Appareil respiratoire | RAS |
Appareil digestif | Foie décoloré Intestin grêle congestionné sur les 2 sujets Léger œdème du mésocolon sur les 2 sujets mais contenu moulé |
Appareil locomoteur | On observe un liquide synovial très abondant au niveau des articulations situées dans les régions où l’ "érythème"est prononcé |
- Résultat d’histologie
Rein | Cortex superficiel immature, physiologique à l’âge considéré dans l’espèce porcine. |
Foie | Rares foyers d’hématopoïèse extra-médullaire. |
Poumon | RAS |
Rayons osseux | Les cartilages articulaires
et les cartilages de croissance sont d’organisation normale. L’ossification s’effectue normalement et met en place un tissu osseux d’allure normale. La moelle hématopoïétique est abondante et semble se différencier normalement. |
Tube digestif | Desquamation artéfactuelle
de l’épithélium intestinal. Absence sur les zones non desquamées d’éléments bactériens adhérent aux formations épithéliales. |
Peau | L’épiderme est épais, dépourvu d’anomalie apparente. Il repose sur un derme très oedémateux le plus souvent, sévèrement congestionné. Les capillaires superficiels sont très dilatés par des hématies et les limites sont souvent peu visibles. Les cellules endothéliales peuvent montrer des images de pycnose. Des hémorragies peuvent être observées en bordure des capillaires dont les limites sont effacées et dont les cellules endothéliales sont pycnotiques. Dans les régions hypodermiques et dermiques profondes, de nombreux vaisseaux de calibre moyen présentent des images de nécrose de leur intima et de leur média associées à des images de thrombose. Dans les vaisseaux de plus fort calibre, l’endothélium peut être turgescent et recouvert par des thrombus plaquettaires ou encore, on peut observer des dépôts fibrineux à la surface de l’intima dont les composants cellulaires sont peu visibles. |
Conclusion | Vasculopathie cutanée
étendue sévère, aiguë nécrosante, thrombosante
et hémorragique. Tableau lésionnel suggérant un processus immunopathologique (présence de complexes immuns circulants). On peut observer ce type d’anomalies lors de maladies bactériennes ou virales. |
La conclusion de cette histologie est proche de la 1ère réalisée et nous ramène vers un processus primaire infectieux.
- Résultat de bactériologie
Sur les 2 sujets, le laboratoire a isolé Staphylococcus hyicus à partir des reins, des articulations et des intestins.
L’antibiogramme réalisé a donné les résultats suivant :
Amoxycilline | Intermédiaire |
Ceftiofur | Sensible |
Marbofloxacine | Sensible |
Florfénicol | Sensible |
Trimétho-Sulfa | Sensible |
Tétracyclines | Sensible |
Conclusion des analyses et conseils donnés à l’éleveur
La dermatite est d’origine primaire bactérienne (Staphylocoque) et se complique par un dérèglement immunitaire entraînant des lésions viscérales fatales.
Nous conseillons à l’éleveur de mettre en place une antibiothérapie préventive à base de ceftiofur retard dans les jours suivant la naissance.
Evolution du cas : visite de contrôle 6 mois après
Après la mise en place de l’antibiothérapie prophylactique, le phénomène s’est vite résorbé et les problèmes ont complètement disparu.
A ce jour, aucun nouveau cas n’a été observé par l’éleveur, il n’est pas du tout enclin à arrêter le préventif mis en place.
Commentaires
Il s'agit d'un cas de dermatite bactérienne (Staphylococcus hyicus) compliquée par un dérèglement immunitaire entraînant des lésions viscérales fatales.
Ce cas est très peu commun, assez original par l’aspect clinique de son étiologie mais dont l’analyse et la résolution ont pu se faire assez simplement.
Il peut tout de même susciter les réflexions suivantes :
- Dans la plupart des cas, les infections par Staphylococcus à cet âge se traduisent par la commune épidermite exsudative. Pourquoi dans ce cas précis a-t-on observé ce processus immunopathologique « chronique » : effet souche du staphylocoque?, effet génétique?…
- Le recours au laboratoire a été d’une grande aide et s'est révélé très efficace dans la mesure, comme toujours, où la sélection du prélèvement est la meilleure qui soit. Dans le cas présent, le fait d’avoir amené un porcelet traité la 1ère fois a retardé le diagnostic bactériologique
- On retrouve semble-t-il au laboratoire quelquefois comme ici des souches de staphylocoque résistantes à l’amoxycilline et il est donc parfois nécessaire (j’en ai eu l’expérience pour des cas d’épidermite exsudative dits classiques), même si le diagnostic clinique est suffisant, de réaliser des examens bactériologiques pour adapter sa stratégie de traitement.
Dr Arnaud LEBRET
Vétérinaire
22 - LOUDEAC