Le stress
À l'origine, le terme stress était employé en physique pour décrire la pression qui s'exerce sur les matériaux. Cette idée fut très utile pour expliquer l'effet que produisent certains aspects de l'environnement sur la physiologie des êtres vivants.
Le concept principal lié au stress est connu sous le nom d'homéostasie, qui se définit comme étant la tendance qu'ont les êtres humains à maintenir constantes les conditions du milieu intérieur, c'est-à-dire à maintenir un équilibre. La température corporelle, la concentration en glucose et, de manière générale, tous les paramètres mesurables chez un être vivant, tendent à être constants (de là provient le terme " constantes vitales ").
Cet équilibre, vers lequel on tend, est sans cesse perturbé (mis sous-pression) par différents aspects de l'environnement connus sous le nom de facteurs stressants ou de facteurs de stress. Autrement dit, le stress fait référence à cette altération qui se produit dans l'équilibre interne de l'organisme. D'un point de vue plus technique, les changements de l'organisme qui interviennent à la suite de ces facteurs sont qualifiés de réponse au stress.
Les facteurs stressants peuvent être d'ordre physique, comme des températures environnementales extrêmes, ou le manque d'eau ou d'aliment. Ils peuvent également être d'ordre psychologique. Ce concept indique que certains facteurs de stress existent car ils sont perçus comme tel par les personnes, bien qu'en réalité ils ne provoquent pas nécessairement de déséquilibre.
Figure 1. Les facteurs de stress peuvent être de type physique et/ou psychologique, et quand ils apparaissent simultanément, ils provoquent une réponse plus forte que s'ils sont séparés. |
La perception qu'ont les animaux des hommes permet d'étayer cette idée. Un porc qui n'a jamais vu d'être humain en aura peur, même s'il ne prétend pas lui faire de mal. Dans ce cas, la peur est le facteur psychologique de stress provoqué par la présence d'un stimulus externe (l'être humain). Lorsque les porcs ont été bien sociabilisés aux personnes (ont été habitués à leur présence), ils apprennent que les êtres humains ne représentent pas un danger pour eux et ne sont pas, par conséquent, facteurs de stress. Il est important de comprendre que lorsque un éleveur (manipulateur) n'a pas des attitudes adéquates avec les animaux, ces derniers développent une réponse au stress en sa présence et, vraisemblablement, en présence de tout être humain.
Le tableau 1 présente une relation des facteurs de stress reconnus chez l'espèce porcine.
La réponse au stress possède une particularité particulièrement intéressante et importante. Elle se caractérise par son côté additif, à savoir que la réponse au stress générée est proportionnelle au nombre de facteurs de stress simultanés.
Autrement dit, l'importance et la gravité de la réponse au stress seront fonction du nombre de facteurs de stress présents simultanément. L'importance du caractère additif repose sur le fait que, dans de nombreuses occasions, la production animale génère divers facteurs de stress simultanés.
Tous les animaux |
Manque d'eau / d'aliments Mauvaise manipulation de la part des soigneurs |
Porcs en croissance |
Sevrage Changements de case Changements d'alimentation Densité élevée d'animaux Mélange de groupes d'animaux n'ayant eu aucun contact préalable Transport |
Truies / reproducteurs |
Restriction du comportement (animaux placés en permanence en case) Stress social |
Tableau 1. Facteurs de stress reconnus chez l'espèce porcine (les termes soulignés indiquent des processus complexes au cours desquels apparaissent simultanément divers facteurs de stress). |
Physiologie de la réponse au stress
Figure 2. Fonctions modifiées par la réponse au stress (à chacune est associée une vaste bibliographie scientifique). |
Sans entrer dans les détails ni utiliser de mots techniques, il est tout de même important de comprendre que les changements qui se produisent dans la physiologie de l'animal au cours de la réponse au stress affectent de façon notable les fonctions basiques de l'organisme.
Croissance : le stress suppose une augmentation du métabolisme car l'animal utilise plus d'énergie. En même temps, le stress entraîne une réduction de la consommation d'aliments. Le résultat de ces deux effets est que le stress provoque une baisse de la croissance.
Reproduction : le stress altère la libération des hormones responsables du cycle reproductif, ce qui allonge l'intervalle sevrage/saillie, diminue la fertilité et complique la détection des chaleurs. La reproduction dépend principalement de deux hormones (LH et FSH) qui régulent les cycles reproductifs. Si ces cycles sont altérés, des paramètres tel que l'intervalle entre chaleurs (ou sevrage/saillie) ou leurs durées sont modifiés.
Système immunitaire (défenses de l'organisme) : la réponse au stress engendre une série de réactions qui finit par libérer dans le sang des glucocorticoïdes. Ces derniers, associés à d'autres substances, sont directement responsables de la diminution des défenses de l'organisme, les animaux étant plus réceptifs aux maladies infectieuses.
Productivité
Les porcs sont plus productifs lorsque leur croissance se passe bien (animaux d'engraissement) ou lorsqu'ils se reproduisent bien (animaux reproducteurs). Tout cela à un coût moindre, c'est-à-dire, avec un bon indice de conversion et des dépenses vétérinaires minimales.
À partir de cette affirmation, et en tenant compte des explications préalables sur la réponse au stress, la relation cause-effet est directe : le stress diminue la productivité des animaux.
Commentaires de l'ISPAIA :
Nous ne pouvons qu'abonder par rapport aux propos du Pr Manteca. Ce chapitre reprend en effet des thématiques que nous avons développées depuis 1996 au sein de notre dossier " Etre animalier, comportements et productivité ". Le pluriel de comportement montre la prise en compte du comportement des porcs mais aussi du nôtre, intervenants, éleveurs.
Le porc a ainsi tendance à généraliser sa perception des hommes par le côté négatif. Sa réponse sera du type : un de mauvais, tous mauvais ! Paul Hemsworth nous a appris (1987) que 20% de contacts négatifs avec des porcs donnaient d'aussi mauvaises, réponses comportementales que 100 % de contacts négatifs ! D'autre part, hormis certains contextes particuliers (exemples : verrats qui ont des contacts réguliers avec les éleveurs, contraste de couleur de cotte : blanc / blanc), il a montré que les porcs distinguent mal les personnes entre elles. Dans un élevage où travaillent 5 personnes, un défaut de savoir-faire animalier d'une seule peut ainsi pénaliser le travail de toute l'équipe !
L'impact d'un manque de confiance des truies envers l'homme est majeur. Le suivi des truies aux moments clés où nous devons aussi être présents s'en complique (IA, mise bas, …). Des scandinaves ont par exemple mis en évidence que la détection des chaleurs était plus problématique avec des truies craintives. Outre des aspects hormonaux, ce sentiment de crainte limite manifestement l'expression des chaleurs en présence de l'homme. Nos travaux illustrent cela. Tout comme Hemsworth, nous avons montré un impact sur l'ISSF et la prolificité annuelle. Dans notre travail, les troupeaux confiants avaient 5 jours d'ISSF de moins et 1,5 porcelets de plus par truie et par an !