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Les morsures de queues (II)

La densité des animaux est un facteur important dans l'apparition de la caudophagie.

Facteurs de risque dans les élevages et prévention de la caudophagie

Dans la perspective de prévenir la caudophagie, on procède beaucoup à la coupe de la queue. L'idée semble consister à éliminer l'objet de ce comportement pour supprimer le problème.
Cependant, cette pratique présente deux inconvénients majeurs. D'une part, elle provoque des douleurs chroniques chez les animaux, ce qui peut aggraver leur bien-être et, par conséquent, leur productivité. D'autre part, il a été démontré que la coupe ne garantit pas que le problème ne se pose à nouveau. De plus, les coupes de queues ou de dents ne peuvent être faites de manière systématique dans l'Union Européenne que lorsque qu'il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux queues (ou oreilles) des autres porcs ont eu lieu (Dir 2001/93/CE et AM du 16/01/03).
Face à cette situation, il est important d'analyser les facteurs qui peuvent réellement favoriser l'apparition de la caudophagie. Dans le chapitre précédent, nous signalions l'existence des facteurs internes (propres à l'animal) et externes (environnementaux) impliqués dans l'apparition de la caudophagie. Les facteurs environnementaux sont a priori modifiables, par le responsable des animaux, afin d'essayer de réduire au minimum le risque de voir apparaître la caudophagie.

La densité des animaux est un facteur important dans l'apparition de la caudophagie.

Densité des animaux et taille du groupe : bien qu'il existe des études présentant des résultats différents, les dernières et plus concluantes indiquent que des densités élevées d'animaux et des animaux logés en grands groupes augmentent la probabilité d'apparition de caudophagie. Par exemple, on a observé, lors d'une étude réalisée au Royaume-Uni, que les densités égales ou supérieures à 110 kg/m2 (~1,1 animaux/m2) multiplient par trois la probabilité d'apparition de la caudophagie.

Alimentation : on a remarqué que les carences nutritionnelles accroissent le risque de caudophagie, ce qui semble survenir principalement par manque d'éléments nutritifs concrets, comme le sel ou certains acides aminés essentiels (quelques composants spéciaux des protéines). Par exemple, et bien que cela n'a pas été prouvé chez le porc, on a observé chez d'autres espèces que le stress augmente l'appétit pour le sel, ce qui se traduit par un besoin accru de ce dernier. Si l'apport en sel aux animaux stressés n'est pas élevé, ils accusent une carence, ce qui aurait tendance à favoriser les comportements exploratoires et à faciliter ainsi l'apparition de la caudophagie, et/ou son aggravation en cas d'apparition, étant donnée la tendance à la formation de blessures saignantes et la concentration de sel dans le sang.
D'autre part, on a remarqué que le système d'alimentation peut avoir une influence. Par exemple, il est vérifié que l'alimentation sèche, par rapport à l'alimentation humide, accroît le risque de caudophagie.

Les queues peuvent représenter un intérêt particulier dans les environnements où les animaux ne disposent pas d'autres stimuli.

Température et ventilation : il n'existe pas de relation directe entre ces paramètres et les crises de caudophagie. Cependant, ils ont vraisemblablement été associés car les mauvaises conditions de logement, qui supposent des températures excessives (faibles ou élevées) et une mauvaise ventilation, ont un impact sur d'autres facteurs qui eux induisent la caudophagie.

Type de sol : la grille ou caillebotis apparaît clairement comme étant un facteur de risque dans toutes les études, représentant une probabilité d'apparition de caudophagie jusqu'à trois fois supérieure par rapport au sol continu. Cette relation fait sens si l'on tient compte que sur caillebotis les comportements exploratoires ne peuvent s'exprimer.

Absence de stimuli : presque toutes les études portant sur la relation entre caudophagie et présence de matériaux (paille, copeaux, etc.) qui permettent le comportement exploratoire concluent que l'apport desdits matériaux réduit de 10 à 12 fois la probabilité que survienne une crise de caudophagie. Dans certains cas, on a même réussi à éliminer la caudophagie en offrant aux animaux un substrat pour les comportements exploratoires. Ces résultats, outre leur possible intérêt pratique, confirment la théorie précédemment expliquée selon laquelle la caudophagie est en réalité un comportement redirigé dont l'origine provient de la tendance naturelle du porc à fouiller.

Traitement de la caudophagie

Face à une crise de caudophagie, il devrait être procédé de la manière suivante :

Le traitement de la caudophagie est beaucoup plus compliqué et moins sûr que sa prévention.

· Isoler, d'une part, les animaux qui présentent les blessures saignantes et, d'autre part, les animaux qui font preuve de ce comportement de manière particulièrement intense.

· Revoir l'alimentation, notamment sa composition et sa présentation. Concrètement, le contenu en sel et en acides aminés est particulièrement important. Dans certaines occasions, on pourra recommander d'augmenter le pourcentage de sel dans l'alimentation, mais il faudra dans ce cas consulter des experts en nutrition.

· Revoir les conditions d'ambiance et les pratiques d'élevage, en insistant tout particulièrement sur les aspects évoqués précédemment comme la densité des animaux et le nombre d'animaux par enclos

· Étudier la possibilité d'offrir aux animaux du matériel qui leur permet d'exploiter leur comportement exploratoire.

Nous sommes conscients que, de manière générale, il est peu réaliste de suggérer que les animaux demeurent sur une litière de paille. Parfois, cependant, l'apport de petites quantités de paille ou d'autres matériaux serait favorable, ou simplement mettre à disposition des objets qui stimulent le comportement de fouille.

Commentaires de l'ISPAIA :

Plusieurs études conduites en abattoir ont montré l'efficacité de la caudectomie. Elle limite la fréquence des lésions caudales (études citées par Kritas et al., 2004 : 7,4% à 11,6 % de lésions sur les porcs sans caudectomie / 2,4 à 3,1 % avec caudectomie). Cette pratique apparaît donc bien comme un moyen de limitation efficace de la caudophagie. Néanmoins, l'esprit de la loi est que cette solution étant traumatisante pour les animaux, tout doit être mis en œuvre pour l'éviter et pour limiter le risque de cannibalisme (travail sur les conditions d'ambiance, la conduite, …).
L'observation des lésions des queues à l'abattoir fait partie de l 'inspection habituelle des carcasses au Danemark. Le but initial était d'améliorer la détection des abcès par une attention plus soutenue sur les carcasses présentant des lésions de la queue. Ce but pourrait évoluer. Le Danish Bacon and Meat Council vient de communiquer (30 juin, IPVS 2004) un essai de classification des élevages en fonction de leur pourcentage de porcs avec lésions de la queue. L'idée serait d'utiliser ce pourcentage de lésions comme un indicateur de qualification du bien être en élevage. Actuellement la méthode n'apparaît pas complètement au point. Néanmoins, cela montre une fois de plus l'attention des scandinaves (à l'origine de notre directive bien être) sur ce dossier.
Que faire dans ce contexte en élevage ? Des facteurs de risque ont pu être identifiés et il convient de travailler dessus. Néanmoins, ce phénomène nous rappelle régulièrement à l'humilité et il reste relativement mal compris. Des études sont en cours en France pour mieux le préciser. En attendant, on peut relever les travaux de Valérie Courboulay de l'ITP (JRP 2004). Enrichir l'environnement des porcs pour limiter leur agressivité est une vieille idée. Encore faut-il savoir comment. Elle a montré que des tuyaux fixés au sol étaient plus efficaces que les mêmes tuyaux placés à hauteur des animaux.

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