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Monter, monter, et monter encore... même au prix de marcher sur la corde raide

Si le prix du porc en Allemagne est encore gelé, en Espagne il continue d'augmenter et est déjà trois fois plus élevé qu'aux Etats-Unis...

Sur chacun des quatre marchés en juin, en Allemagne, le prix de la viande de porc s'est répété. Sur chacun des quatre marchés du mois de juin, en Espagne, les prix de la viande de porc ont augmenté.

Nous avons commencé le mois de juin avec un prix de 1,276 euros/kg en vif quai élevage et l'avons terminé à 1,328. Une hausse de plus de 5 centimes/kg. L'Allemagne n'a pas bougé pendant tout le mois de 1,66 euro/kg en carcasse. Cinq centimes ne représentent pas la fin du monde, mais dans ce cas-ci, cela a suffi à resserrer toutes les coutures du marché.

Toute l'Europe a passé le mois de juin à répéter (France, Belgique, Allemagne, Hollande, Danemark...) ou à baisser (Pologne). Seule l'Italie affiche des augmentations, mais son prix en vif est inférieur de 23 centimes à celui de l'Espagne.

Il se trouve que, dans le monde, les choses ne se passent pas comme en Espagne. Aux États-Unis, le prix actuel est équivalent à... 0,42 euro/kg vif ! Oui. Vous avez bien lu, un TIERS du prix espagnol. N'oublions pas que les États-Unis sont le deuxième producteur mondial après la Chine et qu'ils abattent environ 2.500.000 porcs chaque semaine. Au Canada, la situation est similaire, bien que moins exagérée, son prix équivalent actuel étant de 0,75 euro/kg vif, soit 56% du niveau de celui de l'Espagne.

Nous sommes donc si extraordinaires, géniaux ou merveilleux, que nous pouvons nous permettre de marcher à l'inverse du monde ? Ne serions-nous pas tous victimes d'une illusion ? Nous vivons dans un marché de la viande complètement plat ; aucun morceau ne peut augmenter et l'Europe entière se contente de répéter, les semaines se suivant donc, en estimant "qu'avancer" est déjà suffisant.

Toutes les augmentations de juin ont été faites au détriment de la marge de l’abattoir. Cette marge s'est dégradée à tel point que l'abattage et la découpe ne sont plus intéressants en raison du manque de profit. Nous n'allons pas dire que de nouvelles augmentations sont impossibles, nous allons souligner qu'il n'est pas du tout souhaitable que notre prix augmente encore et encore... lorsque nos voisins et concurrents naturels répètent, répètent et répètent.

Comme nous l'avons expliqué à plusieurs reprises, l'Espagne exporte aujourd'hui environ 55% de la viande de porc qu'elle produit. Tout est très simple : si le prix du porc en Espagne est trop élevé pour permettre les exportations, alors les porcs ne peuvent pas être abattus. Ce ne serait pas la première fois que le marché est forcé de réagir comme un pendule en raison d'erreurs antérieures. Rappelons ici que "l'homme est le seul animal qui trébuche deux fois sur la même pierre".

La conjoncture espagnole est très particulière, il est vrai. La demande de porcs d'abattage est dopée par l'apparition d'un nouvel abattoir en Aragon qui vise à abattre plus de 15% du total espagnol. Il n'est pas compliqué de comprendre qu'il y a un "manque de porcs" pour satisfaire cette "nouvelle demande" surgie de nulle part. C'est incontestable, mais tout a ses limites. Et en ce moment, il nous semble que nous "marchons sur la corde raide".

Il nous semble que, d'ici septembre, on peut s'attendre à peu de variations de prix. Cette année est différente des précédentes ; on ne sait pas du tout quels seront les flux touristiques, les relations entre les Etats-Unis et la Chine ne sont pas claires (pour le moment, les exportations américaines vers la Chine sont autorisées mais...) et il ne semble pas que la Chine puisse récupérer son cheptel rapidement. Nous pensons que le prix continuera à donner satisfaction et bonheur aux éleveurs, mais nous ne pensons pas qu'il permettra plus d’augmentations substantielles dans les deux mois à venir. Il faut attendre et voir.

Nous sommes au milieu de l'exercice. Le moment est bien choisi pour constater qu'avec un prix moyen - depuis le début de cette année - avoisinant les 1,40 euros/kg vif quai élevage, il n'y a pas lieu de s’inquiéter ; il n'y a pas d'autre choix que de se réjouir, d'autant plus que, où que nous regardions, nous ne trouvons aucun signe de faiblesse. Pour l'instant, il n'y a pas de nuages à l'horizon ni rien d'important à craindre, si ce n'est que les abattoirs doivent disposer d'une marge sous peine d'une perturbation traumatisante du marché.

Il n'y a pas plus de cire que celle qui brûle, et les choses sont comme elles sont.

Ce mois-ci, nous choisissons un dicton lapidaire tiré des proverbes espagnols : "Il n'est pas prudent de nager à contre-courant".

Guillem Burset

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