Ce cas clinique se déroule dans le cadre général suivant:
- Elevage de 530 truies en multiplication dans une région de très faible densité porcine.
- Elevage de haut statut sanitaire: indemne de SDRP, Aujeszky et des principales maladies bactériennes.
- Les résultats techniques sont de très bon niveau :
- 25,6 sevrés/truie présente/an | |
Résultats GTTT sur 1 an: | - 11,4 sevrés/portée |
- 89,9% de taux de fertilité. |
Plan général de l'élevage
Appel de l'éleveur
L'éleveur appelle au mois de Juillet à cause de plusieurs phénomènes apparus la même journée (veille de l'appel):
- Plusieurs truies en maternité ne mangent pas apparemment sans température (4 truies)
- Plusieurs truies en gestante ne mangent pas (5 truies)
- 1 truie vient d'avorter à 105 jours de gestation (3ème portée)
- Mortalité brutale de 3 porcelets de 20 kg (2ème âge) retrouvés gonflés
Visite d'élevage
Nous effectuons la visite d'élevage: vers 17 heures, la température extérieure est de 24°C.
Rappels des observations de l'éleveur avant la visite :
J - 1
- Au repas du soir : 5 truies de la grande gestante n'ont pas mangé ainsi que 4 truies de maternité (mise-bas + 15 jours).
- En cours de journée,
une truie à 105 jours de gestation a avorté
(porcelets propres au nombre de 22).
- Sur le site PS-Engraissement
: dans deux salles de post-sevrage il y a 3
morts gonflés
brutalement.
L'éleveur sent que son élevage ne "tourne pas rond"
Après nous avoir appelé, l'éleveur, celui-ci fait les constatations suivantes au repas du matin :
Comportement des animaux lors de la visite (vers 17 heures)
Le repas des truies est effectué pendant la visite.
Visite en maternité: les truies ne "réclament" pas avant le repas. A la distribution, seule la moitié des truies se lèvent et mangent ponctuellement la ration. Les températures rectales varient de 39 à 39,9°C.
Aucun autre signe clinique visible sur les truies ou les porcelets.
Visite en gestante: Même constatation.
Visite en verraterie: Comportement totalement différent avec un appétit normal et des résultats d'échographie du matin excellents : 92%.
Visite en post-sevrage: le comportement des animaux paraît normal sauf une certaine nervosité et surtout l'observation de lésions au niveau des oreilles dans plusieurs cases (morsures ou nécroses).
Hypothèses diagnostiques:
A ce stade, que deviennent les hypothèses de départ ?
1°) Passage viral : SDRP, grippe…
2° Effet chaleur : la température ambiante est normale et pas de signe respiratoire (hyperventilation, …) ;
3°) Intoxication : peut-être mais dans quel sens regarder ?
Les refus alimentaires et les quelques vomissements observés peuvent nous orienter sur la qualité de l'aliment ou de sa distribution :
./.
Examens et mesures conservatoires
Des prises de sang sont effectuées sur 15 truies ne mangeant pas (en vue d'une cinétique d'anticorps).
Une prise de sang sur la truie ayant avorté est faite pour une PCR SDRP.
Autopsies
Autopsie
de la cochette morte le matin :
|
Autopsie
d'un porc de 60 kg mort brutalement.
|
|
Aspect extérieur : | -
Etat satisfaisant, - Oedème au niveau du cou, - Forte distension abdominale, - Jetage nasal séro-hémorragique, - Ecoulement hémorragique au niveau de l'anus. |
- Aspect identique à celui de la cochette avec un verdissement plus prononcé au niveau abdominal. |
Cavité abdominale : | -
Distension gazeuse de tous les segments intestinaux, - Congestion généralisée de l'intestin et du péritoine, - Colite nécrotico-hémorragique. |
- Aspect identique à celui de la cochette avec également une décoloration des reins (néphrite) |
Cavité thoracique : | -
Présence de sang dans le péricarde, - Congestion pulmonaire. |
- Congestion des poumons. |
Prélèvement d'un segment ligaturé de côlon pour recherche de brachyspira |
Examen physique de l'aliment et des formules utilisées.
Les formules n'ont pas changé concernant l'aliment gestante, l'aliment maternité, les aliments 1er âge, 2ème âge, nourrain, croissance et finition.
Les matières premières en stock depuis plusieurs semaines n'ont pas changé sauf une nouvelle livraison de pois et de blé datant de 5 jours.
A l'examen physique de l'aliment, ni couleur, ni odeur suspecte.
Prélèvement de 1 kg d'aliment nourrain pour recherche de mycotoxines. Une recherche de DON (vomitoxine) à cause des vomissements et de l'inappétence est demandée. L'absence de troubles de la reproduction (sauf 1 avortement) ne plaide pas en faveur d'une intoxication à la zéralénone.
Mesures conservatoires:
En attendant les résultats des examens, nous préconisons les mesures simples suivantes
- diète hydrique pour les truies sur une journée,
- cure d'un hépato-protecteur (méthionine + bétaïne + sorbitol)
- repas d'eau supplémentaire en engraissement (soupe).
Evolution, résultats des analyses et diagnostic
Evolution des signes cliniques à J + 1
Truies
Le matin : les truies restent sans appétit, elles ne "réclament" pas sauf en verraterie où le comportement reste normal.
Le soir : les truies semblent plus "vives" et commencent à "réclamer" le repas.
PS-Engraissement
Le matin : les porcs d'engraissement ne mangent pas et certains vomissent. Plusieurs porcs sont ballonnés et la mortalité pendant la nuit a été de 8 porcs.
Le soir : Idem.
Investigations sur l'aliment
Recherche de la chronologie des fabrications d'aliment avec les nouvelles livraisons de pois et de blé
J - 5 : Réception des matières premières
J - 4 : Fabrication de 5 T d'aliment 2ème âge et de 9 T d'aliment nourrain
J - 3 : Fabrication de 2 T d'aliment allaitante et de 3 T d'aliment finition
J - 2 : Fabrication de 2 T d'aliment gestante et de 12 T d'aliment finition.
J - 1 : Fabrication de 3 T d'aliment 2ème âge.
Après vérification de l'état des silos, l'éleveur s'est aperçu que la verraterie n'avait pas encore reçu la nouvelle fabrication d'aliment gestante.
Résultats des analyses
Le lendemain de la visite (J +1), nous disposions des résultats:
(Résultat obtenu en quelques heures par méthode ELISA).
Diagnostic
Les commémoratifs et les résultats de dosage de DON nous permettent de conclure à une mycotoxicose.
Décision au vu des résultats
Evolution dans les jours suivants
Des recherches sont en cours pour déterminer la ou les matières premières en cause.
Rapidement, le comportement des truies est revenu à la normale (3 jours)
En revanche, en engraissement, il a fallu 7 jours pour retrouver une consommation normale et l'arrêt des mortalités.
La recherche de brachyspira s'est avérée négative.
Commentaires
Une mycotoxicose comme beaucoup d'intoxications est un événement accidentel difficile à diagnostiquer.
Face à des symptômes souvent déroutants le vétérinaire doit avoir une démarche logique :
1. Collecter et hiérarchiser les observations faites par l'éleveur : dans ce cas précis l'observation du comportement des animaux a été primordiale. Si l'avortement a tout d'abord alerté l'éleveur l'observation du refus alimentaire accompagné de quelques vomissements a été très important pour établir le diagnostic.
2. Confirmer ou infirmer une piste infectieuse : C'est en généralement la piste la plus tentante mais ici quelle maladie peut atteindre à la fois les truies et les porcs en même temps dans 2 sites distants de 1,5 km ?
Statut de l'élevage |
Hyperthermie
|
Troubles
de la reproduction
|
Troubles
respiratoires
|
|
SDRP |
Négatif
|
NON
|
NON
sauf 1 avort
|
NON
|
AUJESZKY |
Négatif
|
NON
|
NON
sauf 1 avort
|
NON
|
GRIPPE |
Inconnu
|
NON
|
NON
sauf 1 avort
|
NON
|
Une fois ces 3 grandes maladies éliminées seule une maladie digestive telle que la Dysenterie porcine pourrait être envisagée mais les symptômes observés en truies et les autopsies réalisées ne confirment pas cette hypothèse.
3. Rechercher en dehors de la piste infectieuse un point commun entre les 2 sites : tout naturellement la piste alimentaire nous a tout de suite alerté et plus particulièrement en fabrication à la ferme très dépendante de la qualité de ses matières premières
4. Confirmer l'hypothèse de l'intoxication par l'analyse : dans ce cas précis les refus alimentaires et les vomissements ont orienté vers une mycotoxicose à la DON mais attention une association de mycotoxines est fréquente ce qui rend souvent le tableau clinique différent de celui que l'on trouve dans les livres.
La recherche de DON semble un bon indicateur et les méthodes rapides disponibles semblent très intéressantes pour réagir au plus vite.Ce risque de mycotoxicose est de plus en plus rencontré et il faut encourager les éleveurs à contrôler les matières premières qu'ils stockent dans leurs cellules.
Enfin, les pathologies liées aux mycotoxines semblent de plus en plus fréquentes (arrêt des antifongiques en culture ou à la récolte etc. …) et il est fortement conseillé de prévenir ces pathologies grâce à l'emploi d'absorbants de mycotoxines de plus en plus efficaces.