On a déjà évoqué la nouvelle situation qui se présente, au niveau mondial et européen, avec les continuelles augmentations de consommation des céréales et des graines oléagineuses à cause de l'augmentation de la richesse des pays émergents (la Chine et l'Inde surtout) et aussi à cause des nouvelles sources d'énergie (biodiesel et bioéthanol).
Les nouvelles sources d'énergie
On essaiera aujourd’hui d'expliquer d'une manière plus concrète les changements qu'il peut y avoir à court et moyen terme dans la formulation des aliments. Définissons d'abord les nouvelles sources d'énergie :
Le Bioéthanol : pour les moteurs à essence, il s'agit d'éthanol ou de ses dérivés comme l'ETBE (éthyl-tertio-butyl-éther) qui peut être incorporé à l’essence jusqu’à hauteur de 15 %. Il provient de la fermentation de sucres et de l'amidon de céréales.
Le Biodiesel : pour les moteurs diesel. Les esters méthyliques d'huiles végétales sont les plus employées. Il est issu d'un processus de trans-estérification entre l'huile végétale et le méthanol pour produire l'ester méthylique et la glycérine.
Huile végétale + méthanol => ester méthylique + glycérine |
On utilise aussi des graisses animales en suivant le même processus.
Que génère la fabrication de biodiesel et de bioéthanol ?
Maintenant voyons ce que génère ou entraîne, directement ou indirectement la fabrication du biodiesel et du bioéthanol.
Biodiesel : il génère directement seulement de la glycérine. Indirectement, selon les huiles végétales, les plantes à partir desquelles il est produit voient leur production augmentée avec en conséquence l’augmentation de la farine ou du tourteau ainsi utilisés.
Tableau
de rendements des 3 graines les plus utilisées
En Europe, la graine la plus utilisée est le colza; sa production est estimée à 15 millions de Tm. Le marché actuel et les prévisions sont de 21 millions en 2010. Ces chiffres entraînent respectivement une production de 9 millions de Tm d’huile et de 12,50 millions de Tm de farine. On pourrait faire la même extrapolation au niveau mondial de la production de farine de soja et de farine de tournesol et au final, on voit que l'augmentation de la production de biodiesel entraîne une offre plus grande de farines végétales qui doivent être absorbées en même temps par le marché. Cela influe sur les prix des graisses et des farines dans des sens opposés. Il faut aussi tenir compte du fait que selon les différents types de farine, les incorporations dans l'aliment varient d'une manière substantielle :
Mais on doit aussi comprendre que toutes ces farines se font concurrence entre elles, puisque l'incorporation de la protéine dans l'aliment est limitée, et varie en fonction de l'âge et du type d'animal. |
Bioéthanol : intéressons-nous à qui est obtenu à partir de l'amidon des céréales. Pour chaque Tm de céréale, en fonction de la céréale utilisée (blé, orge, maïs,) on obtient environ 330 kg d'éthanol, 330 kg de CO2 et 330 kg de DDGS (Distilled Dried Grain and Soluble).
Le
DDGS est ce qui reste de la céréale après l'extraction
de l'amidon. La composition chimique est la suivante :
Les productions européennes de DDGS sont les suivantes :
Les productions américaines sont les suivantes :
Si on extrapole ces données, on voit que la production de DDGS en Europe ira en augmentant. Maintenant, voyons leur possible incorporation dans les aliments :
Tout cela, comme pour le biodiesel, entraîne une offre plus grande de produits à teneur élevée en protéines et en fibres qui doivent être aussi absorbés par le marché. |
Avant de passer aux conclusions, on doit tenir compte de deux points importants:
1-
Toutes les usines qui sont actuellement en projet sont basées sur
un pétrole se situant au-dessus de 58 à 60 $ le baril pour
être rentables ; chose, aujourd'hui, plus que probable. Mais
une baisse du prix du pétrole entraînerait un arrêt
au niveau mondial de ces usines et de projets futurs. 2- En supposant que le point 1 ne se produise pas, la production de bio-combustibles dans la communauté ira en augmentant puisque la prévision selon Bruxelles était en 2005 de 2 % d'incorporation dans l'essence et dans le gas-oil. Fait qui ne s'est pas réalisé, étant à peu près à la moitié, et l'incorporation de 5% en 2010. |
Conclusions
-
La production de bioéthanol et de biodiesel suppose une
plus grande consommation de sources d'énergie c’est-à-dire
d'huiles et d'amidons, ce qui entraînera plus qu'un renchérissement
de celles-ci.
- La production de bio-carburants génère directement ou indirectement une augmentation de la production de sources de protéines, aboutissant à des prix de plus en plus compétitifs. Bien que nous doutions que cela compense les hausses des céréales. |
Tout cela laisse à penser que les fabricants d’aliment ont devant eux un défi à relever : incorporer les DDGS et les farines qui apparaîtront encore plus sur le marché et en essayant, si c’est possible, de mieux exploiter ces sources d’énergie.
Jordi Beascoechea; Bemat Subministraments SL. (Espagne)