Description de l’élevage :
Il s’agit d’un atelier de naissage collectif de 600 truies et 6 verrats, en zone de faible densité porcine dans le nord de la France. Trois salariés travaillent à l’élevage.
L’élevage est conduit à la semaine avec un sevrage à 28 jours. Les porcelets quittent l’exploitation au sevrage.
Les animaux reçoivent des aliments du commerce (doseurs à sec).
Les verrats sont prélevés et assurent la totalité des besoins de semence de l’élevage.
Le renouvellement du troupeau se fait par achat de cochettes (quarantaine sur un site différent).
Plan de masse :
Plan de vaccination et déparasitage :
En quarantaine :
Semaine
1 |
Semaine
2 |
Semaine
3 |
Semaine
4 |
Semaine
5 |
Semaine
6 |
Rouget |
Rhinite |
Vaccin associé
|
Rouget |
Parvo |
Rhinite |
A l’arrivée à l’élevage: rappel Gletvax® et la semaine suivant rappel Parvo
En gestantes: jusqu’à 3 injections de Gletvax® dont la dernière 4 semaines avant mise-bas.
En maternité: rappel Parvorouget 15 jours après mise bas.
+ Traitement anti-parasitaire : ivermectine
Exposé du cas
Mi-janvier 2005, le technicien chargé de superviser l’élevage appelle : les résultats de sevrage du dernier trimestre 2004 (et surtout des 6 dernières bandes) sont mauvais.
2003 |
2004 |
4ème
trimestre 2004 |
|
Nés totaux | 12,69 |
12,68 |
11,86 |
Nés vivants | 11,8 |
12,01 |
11,43 |
sevrés | 10,22 |
10,19 |
9,27 |
% pertes sur nés vifs | 13,5 |
15,1 |
18,8 |
Vis-à-vis de la baisse de prolificité, des explications sont déjà trouvées et des mesures mises en place. Ce sont les pertes sous la mère qui inquiètent car elles déroutent les salariés et leur encadrement.
Les pertes s’expliqueraient en partie par des diarrhées les 3 premiers jours avec toutefois assez peu de mortalités directes. Les salariés constatent également une augmentation du taux d’écrasés au cours des 72 premières heures de vie notamment. Quelques mises bas sont avancées (111-112 jours).
Parallèlement à cet appel, je reçois un résultat d’analyse faite au laboratoire local sur 2 porcelets vivants de 3-4 jours : estomac plein de lait, faible congestion de l’intestin grêle, contenu liquide du caecum-colon ; absence de germes pathogènes spécifiques.
Diarrhée
néonatale |
Estomac
plein de lait |
Congestion
intestin |
Démarche diagnostique et mesures d'urgence
Compte tenu de l’éloignement de cet élevage et donc de la difficulté à faire plusieurs visites rapprochées, je propose de faire avant mon passage la démarche suivante :
- analyse d’eau
- envoi à notre laboratoire de prélèvements de diarrhées (l’élevage a des antécédents de E.coli O141 K85, de Clostridium perfringens et de Rotavirus)
- sérologie SDRP : l’élevage ne se situe pas dans une zone à risque cependant quelques symptômes demandent de ne pas écarter totalement cette piste; sérologie Parvo à la demande des clients en raison de l’irrégularité en reproduction
- points zootechniques : rang de portée, état d’embonpoint et antécédents des truies à problèmes ; vérification de la température des maternités ; vérification des quantités d’aliment distribuées ; inspection des silos ; observation des mamelles et du comportement des nouveaux nés
Résultats des analyses
Analyses de féces
Le résultat de l’analyse des fèces est le suivant :
Paramètres | N°1 |
N°2 |
N°3 |
Pool
de 3 féces |
E. coli | Non
hémolytique |
Non
hémolytique |
Non
hémolytique |
|
Dénombrement exprimé en UFC* par gramme de féces | 108 |
108 |
105 |
|
Sérotypage (O138K81,0139K82,O141K85) | - |
- |
- |
|
Adhésines (K88,K99,987P,F41,F107,Eae,AIDA) | - |
- |
- |
|
Toxines (Sta,Stb,LT,VTe,East1) | Stb,East1 |
East1 |
- |
|
Antigènes de Clostridium perfringens** | ++++ (1,119) |
++ (0,58) |
+++ (0,936) |
|
Toxine ALPHA de Clostridium perfringens** | - |
- |
- |
|
Toxine BETA de Clostridium perfringens** | - |
- |
- |
|
Toxine EPSILON de Clostridium perfringens** | - |
- |
- |
|
Toxines Clostridium dificile** | - |
- |
- |
|
Rotavirus** | - |
|||
* UFC=
Unité formant colonie **: calculé par différence de densité optique (plus la D.O. est élevée, plus la quantité de Clostridium perfringens est importante dans l'échantillon |
Un antibiogramme a été réalisé sur un E.coli isolé
INTERPRETATION |
||
Aminosides | Gentamycine | Sensible |
Spectinomycine | Résistant |
|
Apramycine | Sensible |
|
Néomycine | Sensible |
|
Bêta-lactamine | ||
Amoxicilline | Sensible |
|
Céphalosporine | Ceftiofur | Sensible |
Quinolones |
Enrofloxacine |
Sensible |
Marbofloxacine | Sensible |
|
Polypeptides | Colistine | Sensible |
Sulfamides et association | Triméthoprime | Sensible |
Triméthoprime sulfa T | Sensible |
|
Tétracyclines | Oxytétracycline |
Résistant |
Doxycycline | Résistant |
Sérologies
Les sérologies donnent les résultats suivants:
Identification
de la truie |
I.H.A.
Parvovirose |
SDRP Iddex |
30633
|
1/1280 |
Négatif |
21422
|
1/320 |
Négatif |
11354
|
1/640 |
Négatif |
21087
|
1/80
|
Positif
avec E/P 0,4 |
30362
|
1/5120 |
Négatif |
30501
|
1/160 |
Négatif |
20916
|
1/1280 |
Négatif |
40519
|
1/640 |
Négatif |
21624 |
1/640 |
Négatif |
40561
|
1/640 |
Négatif |
30592
|
1/5120 |
Négatif |
30400 |
1/1280 |
Négatif |
Autres éléments:
Le prélèvement d’eau a malheureusement traîné et je n’en ai pas eu le résultat pour ma visite.
Les enregistrements des portées à problème ne paraissent pas mettre en avant une certaine catégorie de truies plutôt qu’une autre.
Mesures prises suite aux observations des salariés et aux analyses :
Visite de l’élevage et "diagnostic"
Cette visite a lieu début mars.
Elle commence par la prise de connaissance des derniers enregistrements des résultats de sevrage :
Sevrage
sem.5 |
Sevrage
sem. 6 |
Sevrage
sem. 7 |
Sevrage
sem. 8 |
|
Nés totaux | 12,4 |
13,8 |
13,8 |
12,8 |
Nés vifs | 11,6
|
12,6
|
12,4 |
11,7 |
Sevrés | 9,3 |
9,2 |
8,9
|
9,5 |
% pertes/NV | 20,8 |
26 |
28 |
18,8 |
Puis l’observation des animaux s’effectue avec le chef d’élevage et la salariée qui suit les maternités ainsi que les techniciens chargés du suivi. La salariée «maternité» est à l’élevage depuis quelques mois seulement.
Visite des blocs saillie et des salles de gestation
Les blocs saillie viennent d’être rénovés ce qui représente une importante amélioration et devrait contribuer à régulariser les résultats de reproduction. Un retour au sevrage le jeudi et un meilleur respect de la durée de lactation semblent favoriser une meilleure venue en chaleurs et surtout une meilleure observation des chaleurs.
Les salles gestantes sont en cours de rénovation.
A ces deux postes, je remarque une certaine hétérogénéité de l’état des truies. La démographie explique en partie ce problème. En effet, pour retrouver un nombre de truies conforme aux objectifs, il y a eu un manque de réformes à un moment donné, puis une entrée plus importante de cochettes. Un changement d’origine génétique rajoute encore à la difficulté d’avoir un cheptel homogène.
Visite des maternités
Les salles ont été rénovées deux ans auparavant. L’ambiance y est assez satisfaisante.
Les truies paraissent assez nerveuses, certaines auges sont mal vidées, il y a de la constipation. La salariée confirme que l’appétit peut être capricieux.
Le déclenchement des mises bas est systématique à 113 jours avec en plus utilisation de la Reprocine® dans de nombreux cas.
Les mises bas sont décrites comme plutôt lentes.
Dans ce contexte, les truies reçoivent beaucoup d’injections avant, au cours ou après mise bas (sélénium injectable, Planate®, Reprocine®, Ocytocine...etc.).
La visite ayant lieu un mardi, il n’y a pas beaucoup de diarrhées caractéristiques. On peut toutefois remarquer que certains porcelets sont légers.
Je remarque aussi beaucoup de portées adoptives : en fait il y a des mutations incessantes sans qu’il soit simple de savoir ce qui est cause ou conséquences des diarrhées.
Avec la salariée, nous avons aussi un « débat » sur les congestions mammaires car il me semble que certaines lui échappent. L’épointement des dents n’est pas toujours conforme.
Globalement, j’ai le sentiment qu’on va un peu dans tous les sens pour régler le problème en oubliant un certain nombre de fondamentaux ce qui génère un surcroît de travail et de frustration. Par exemple, comment expliquer un tel nombre d’injections de Gletvax® avant mise bas et aussi peu de résultat ? Quid de la consommation de colostrum, entre autres ?
Diagnostic
Le diagnostic n'est pas que médical; il s'agit d'une "pathologie multifactorielle" : les dérives zootechniques sont payées « cash » dans un élevage où des agents pathogènes digestifs sont présents sur le cheptel truies.
Protocole mis en place et évolution du cas
Protocole mis en place
Compte tenu du faible succès des essais « médicaments », je propose de travailler principalement la conduite d’élevage.
1- faire naître des porcelets vigoureux et favoriser le démarrage de lactation
Le travail le plus important ici consiste à retrouver une utilisation rationnelle du Planate®.
Donc, laisser mettre bas naturellement une bande pour mieux connaître la durée moyenne de gestation ; le déclenchement ne devant se faire que la veille du terme théorique.
Le lendemain du déclenchement, si on veut utiliser Reprocine®, vérifier que la truie a du lait blanc aux tétines et doser à 0,8 ml maximum.
Eviter les stress inutiles aux truies et si nécessaire utiliser Suilence®. Tenir compte des origines génétiques pour placer côte à côte des truies qui ont potentiellement le même comportement.
2- lutter contre les diarrhées
Peu après ma visite, j’ai reçu le résultat d’analyse d’eau suivant :
Flore mésophile | 15400
par ml |
anormal |
Streptocoques fécaux | 21
dans 100 ml |
contaminé |
Coliformes fécaux | 0
dans 100 ml |
conforme |
Anaérobies sulfito-réducteurs | 1
dans 20 ml |
douteux |
Bien que le délai entre prélèvement et arrivée au laboratoire ait été trop long, il semble bien que l’eau soit au moins douteuse. Un traitement aux peroxydes s’impose.
Outre ce point, j’insiste également sur la qualité de la désinfection des maternités.
Revenir à un plan de vaccination Gletvax® beaucoup plus classique. Si cela ne fonctionne pas, cela veut dire soit que l’agent pathogène n’est pas dans le vaccin (ce qui est apparemment le cas pour le colibacille) soit que la consommation de colostrum est insuffisante et on revient au chapitre précédent.
Respecter un temps de quarantaine de 5 semaines minimum pendant lequel la contamination volontaire sera réalisée.
Utilisation du produit CLOSTIFLORE® à base de Saccharomyces boulardii, à distribuer à la truie pendant 7 jours avant mise bas et 3 jours après.
3- gérer la lactation
Une fois réalisées les éventuelles portées de surnuméraires, ne pas perturber truies et porcelets par des adoptions intempestives.
S’astreindre à une palpation des mamelles au moins les 2 jours après mise bas ainsi que suite à des adoptions.
Résultats obtenus et évolution du cas
Sevrage
sem. 15 |
Sevrage
sem. 16 |
Sevrage
sem. 17 |
Sevrage sem. 18 |
Sevrage
sem. 19 |
|
Nés totaux | 15,8 |
14,5 |
13,3 |
13,9 |
14,1 |
Nés vivants | 14,1
|
13,6
|
12,5
|
12,7
|
13,3 |
Sevrés | 11,7 |
9,8
|
11,9
|
12,6
|
12,2 |
Dans l’ensemble, le strict respect des protocoles de déclenchement a permis la naissance de porcelets plus toniques alors que parallèlement la prolificité augmentait.
La fréquence et la gravité des diarrhées ont été en baisse, l’action du Clostiflore® étant positive. Donc globalement, le nombre de sevrés est devenu beaucoup plus conforme à l’objectif.
Commentaires
Apparition du cas
Ce n’est pas une pathologie d’apparition brutale mais plutôt un constat après plusieurs bandes : l’élevage manquait de porcelets à fournir aux associés. Les diarrhées n’apparaissaient pas systématiquement avec la même importance dans toutes les bandes. Le traitement Colipâte administré 3 fois de suite aux porcelets avait en général raison des diarrhées mais cela n’empêchait pas les conséquences négatives sur la croissance et la survie ultérieure des animaux.
Interprétation des analyses
Un historique de colibacillose à O141K85, une première analyse sans germe particulier, une analyse de féces montrant une association colibacille à facteurs de virulence et clostridium, une telle variété semble indiquer que le problème de fond n’était peut-être pas uniquement médical.
Quant à la truie positive SDRP, dans le contexte, je l’interprète comme un faux positif ainsi que cela arrive assez souvent dans cette technique. En effet, elle est positive à la limite E/P, elle est seule positive alors que les problèmes datent de plusieurs semaines.
Visite de l’exploitation
Le jour de visite n’est pas idéal mais faire autrement était difficile : il aurait fallu que les uns et les autres y consacrent le dimanche !
L’intérêt a résidé dans l’échange avec les salariés : la nouvelle personne en poste avait visiblement envie de faire ses preuves mais avec une certaine tendance à ne pas accepter l’autorité et l’expérience des autres d’où certaines carences d’observation des animaux. Pour un débutant, il est en effet plus rassurant d’utiliser des médicaments.
La visite a également permis de constater les adoptions trop nombreuses ainsi que le comportement parfois stressé des truies.
Mesures prises
Je me réservais la possibilité de travailler sur un autre vaccin voire même un auto-vaccin au cas où la pathologie s’avérait résister à l’approche zootechnique.
Le Clostiflore n’a pas réglé l’ensemble des diarrhées ce qui est logique compte tenu de l’origine multifactorielle. Cependant, l’impact a été suffisamment positif pour que l’élevage continue à commander le produit !
Evolution du cas
A ce jour, la situation est stabilisée et je suis obligée de réclamer des nouvelles !