La Coopérative Le Gouessant, en France, s'est engagée à améliorer la qualité de ses élevages pour répondre à la demande croissante de la société en viande issue d'animaux élevés dans des conditions plus respectueuses de leur bien-être et minimisant l'impact sur l'environnement. Face à ces nouveaux défis, Le Gouessant a développé le concept "Physior". Ce système, qui se situe entre la production conventionnelle et la production biologique, vise à améliorer le bien-être des animaux, la durabilité environnementale et l'efficacité économique.
Dans le cadre des activités programmées lors du Space 2022, nous avons eu l'occasion de visiter l'élevage "La Maison Neuve", situé à Plestan, en compagnie de Sophie Ambrois. C'est le premier élevage à appliquer le concept "Physior" à tous les stades de la production et il sert de banc d'essai à la coopérative grâce aux cases sentinelles équipées de toute une série de capteurs.
Pierre Morfouace, propriétaire de "La Maison Neuve" a décidé de rénover son élevage en raison du vieillissement des installations et de la nécessité de s'adapter aux nouvelles attentes de la société et du marché. L'intérêt de son neveu, Jules Chatton, pour l'élevage de porcs, ainsi que son projet de reprendre l’exploitation à terme, ont également joué un rôle crucial dans la décision de se lancer dans ce projet innovant.
Les premières cochettes sont entrées en avril 2021 et les premiers porcs charcutiers ont été commercialisés en avril 2022. L'élevage a une capacité de 265 truies et une production de 6200 porcs/an, avec une conduite en 7 bandes et un sevrage à 28 jours, où travaillent le propriétaire, M. Pierre Morfouace, 2 salariés (Noémie Studer et Jules Chatton) et un apprenti. L'investissement initial a été de 4,6 millions d'euros, dont 1 million a été consacré à la R&D. Le projet a bénéficié aussi de subventions de la Région Bretagne.
Améliorer le bien-être des animaux et du personnel
Les bâtiments sont optimisés pour le confort de l'éleveur et de ses animaux.
Le concept Physior repose sur un aménagement en 3 zones de vies : couchage, alimentation/abreuvement, déjections. Cela implique une zone intérieure, pensée pour le confort et le repos des animaux, et une courette extérieure avec accès à l’air libre et à la lumière naturelle.
Dans tous les bâtiments :
- la lumière naturelle est favorisée,
- l'air intérieur est renouvelé par une ventilation naturelle générée par des ouvertures thermorégulées,
- des racleurs en forme de V sont utilisés pour retirer les déjections sous les fosses et séparer l'urine des déjections afin de réduire les émissions d'ammoniac,
- les matières fécales solides sont compostées et cet amendement est utilisé comme amendement organique pour les cultures,
- tous les parcs disposent d'une cour extérieure,
- la densité est plus faible que dans la production conventionnelle (1,20 m2 / porc d'engraissement).
En outre:
- tous les animaux ont accès à l'air libre quand ils le souhaitent,
- les truies sont logées sur une litière de paille,
- pas de castration chirurgicale, tous les mâles sont immunocastrés,
- pas de caudectomie,
- la mise bas se fait en totale liberté (en zone intérieure ou extérieure),
- tous les animaux ont accès à la paille comme matériau manipulable.
"La Maison Neuve" comme banc d'essai
Plusieurs cases "sentinelles" sont équipées de caméras et de capteurs associés à des boucles RFID, qui permettent d'identifier et de suivre individuellement les mouvements et le comportement de chaque porc et de générer un grand nombre de données (suivi de la consommation d'eau et d'aliments, température, humidité, taux de CO2 et d'ammoniac, présence de particules, etc.), ainsi que des valeurs liées au confort de travail (répartition des tâches, mesures de bruit...). Des critères d'évaluation ont également été développés avec l'IFIP pour observer et analyser le comportement, la santé et l'hygiène, ainsi que la relation homme-animal.
Avantages et inconvénients du système
La conception de bâtiments avec le système Physior offre des multiples avantages mais aussi quelques inconvénients ou points à améliorer :
Conditions de travail
- Les outils numériques et le suivi automatisé facilitent la gestion quotidienne et la prise de décision.
- La mise à disposition de la paille comme objet manipulable pour les animaux est une charge de travail supplémentaire au quotidien mais les éleveurs la considèrent comme tout a fait gérable. C’est pour eux l’occasion d’avoir un oeil “animalier” sur leurs animaux. Ils se sont équipés (charriot fait maison..) pour faciliter la manutention de la paille.
- Des entretiens individuels qualitatifs auprès de l’éleveur et de ses salariés ont été réalisés par une sociologue de l’IFIP à trois reprises en 4 ans pour recueillir leurs perceptions.
- Parmi les points positifs : le travail en lumière naturelle, la relation Homme-animal, la vie au rythme des saisons, les retours positifs des visiteurs…
- À l’inverse, le nettoyage et la manutention ont été identifiés comme des points d’amélioration.
D’après Pierre Morfouace, de nombreuses candidatures ont été déposées. « Elles témoignent de l’attractivité du modèle Physior® auprès des salariés d’élevage. C’est un enjeu crucial pour les productions animales qui peinent à recruter. »
Bien-être animal et efficacité
- Un suivi continu et détaillé des animaux permet une meilleure gestion du bien-être animal, garantissant aux porcs un environnement adapté et sans stress.
- Pas de caudectomie: Depuis novembre 2022, des notations hebdomadaires de caudophagie (nombre et sévérité des lésions) sont effectuées. Le taux moyen de caudophagie est passé de 7,7 % en post-sevrage et 12,9 % en engraissement à seulement 0,3 % en post-sevrage et 3 % en engraissement. Pour atteindre ces résultats, un travail sur la gestion des objets manipulables a été réalisé, tout en veillant à ce que cela n'impacte pas trop lourdement la charge de travail.
- Mises-bas en totale liberté : l’EARL de la Maison Neuve sèvre, en moyenne plus de 12 porcelets par portée. Une performance conforme aux normes de l’alternatif, avec des marges possibles de progrès. En effet, le taux de mortalité a fait l’objet d’une étude conjointe avec l’IFIP. Une évaluation de la température par thermogramme a été réalisée dans les nids chauffés ainsi que dans la zone intérieure en maternité. Ces mesures ont mis en évidence que la disposition de la lampe pour les nids chauffés ne permettait pas une répartition optimale de la chaleur. Des aménagements sont en cours afin d’améliorer le confort thermique : Il est prévu de remplacer la lampe unique par deux lampes moins puissantes. De plus, de la paille longue est désormais distribuée au moment de la mise bas pour favoriser le comportement naturel de nidification de la truie en liberté. Le programme alimentaire de la truie fait également l'objet de travaux. L'impact de ces changements sur la mortalité sera évalué pendant les périodes froides de 2024-2025. L'objectif est de réduire le taux de pertes de 20,6 % actuellement à 15 % en un an.
Durabilité et efficacité économique
La collecte de données scientifiques et l'utilisation de technologies avancées permettent d'optimiser les ressources et d'améliorer l'efficacité économique, garantissant ainsi la viabilité à long terme de l'exploitation.
Commercialisation des animaux
L’éleveur a contractualisé un accord de commercialisation sur 12 ans de ses porcs avec une entreprise de l’aval. Contrat ayant pris en compte le surcoût lié à ce modèle d’élevage, compter environ 30% de surcoût. Les consommateurs semblent prêts à payer plus pour ce produit. Maintenant, l’avenir dira si les paroles se transformeront en actes réels d’achat et sur quel pourcentage...