Description de l'élevage
Il s'agit d'un élevage de 160 truies, naisseur-engraisseur, conduit en 7 bandes, sevrage à 28 jours.
L’ensemble de l’atelier est sur un seul site.
Le cadre géographique est une zone à densité moyenne de production porcine du sud Finistère.
Conduite d'élevage
L'élevage achète ses cochettes à l'extérieur, ses doses d'insémination ainsi que l’aliment pour les animaux en post-sevrage et engraissement. Il fabrique ses aliments truies.
L’eau est fournie par un forage.
Bâtiments
La chaîne de bâtiments est classique Verraterie/Gestante, Maternités, Post-Sevrage (granulé) et Engraissement (soupe), avec la particularité d’avoir les gestantes sur paille, nourries au DAC, dans un bâtiment en ventilation statique (même ventilation en quarantaine). Le reste de l’élevage est en ventilation dynamique sur caillebotis intégral.
Performances
Les performances revendiquées par l’éleveur pour le premier semestre 2004 sont :
Indice global = 1.90 | |
26.28 charcutiers vendus par truie présente et par an | |
La dernière tête de lot a été vendue à 168 jours d’âge pour 82 kg chaud | |
11.86 sevrés en moyenne par bande | |
Taux de perte: Post-Sevrage : 2%, Engraissement : 2% | |
Frais vétérinaires annuels par truie présente : 148 €. |
Statut sanitaire :
Le statut sanitaire de l’élevage n’est pas connu pour la plupart des pathogènes actuels non soumis à déclaration et surveillance.
Vaccinations effectuées :
Truies et cochettes | Rouget |
Parvovirose | |
Rhinite | |
Colibacillose | |
Clostridium | |
Porcelets | Mycoplasme, deux injections à 7 et 28 jours d’âge. |
Appel de l'éleveur
Contacté pour une visite de l’élevage en septembre 2004, l’éleveur se plaint d’un phénomène respiratoire en Post-Sevrage.
L’éleveur observe de la toux et du cannibalisme (oreilles) qui apparaissent une semaine après sevrage. La pathologie est apparue durant l’été, et les performances se sont dégradées : passage de 20.5 kg pour 61 jours d’âge à 20.45 kg pour 66 jours d’âge sur la période incriminée. Le phénomène ne s’étend pas aux bandes présentes en engraissement ni aux truies.
Visite de l'élevage
L’élevage étant inconnu jusqu’alors, la visite a concerné l’ensemble de l’atelier.
Outre le motif principal de la visite développé ci-après, des arthrites sous la mère sont constatées, corrélées entre autre à des procédures de fraisage des dents et de castration à risque en ce qui concerne l’hygiène. Pour ces derniers points la recommandation a été d’utiliser une brosse à dents qui trempe dans un désinfectant pour brosser la fraise de la meuleuse entre chaque portée, ainsi que la castration à l’aide de deux jeux de bistouris : l’un trempe dans un désinfectant tandis que l’autre est utilisé pour castrer, et les bistouris sont échangés pour la portée suivante.
Je me suis ensuite concentré sur le post-sevrage puisque l'appel de l'éleveur portait sur ce secteur.
Post-sevrage
Description
Salles de 120 places sur caillebotis intégral.
Cases de 22 porcelets allotés par gabarit (7.7 kg de moyenne à 28 jours).
Prévention
Les porcelets reçoivent un aliment 1er âge non supplémenté pendant 2 semaines, un vermifuge et de la colistine via la pompe doseuse.
Il n’y a pas de mélange de lots.
Conduite
Les normes zootechniques d’accès à l’eau et l’aliment sont respectées, mais les cases sont surchargées : cases prévues pour 20 porcelets.
Le système de ventilation est en dépression. L’air est admis par un plafond perforé (1917 trous de 10 mm de diamètre) et évacué par un ventilateur de 350 mm de diamètre.
Au sevrage, les porcelets entrent dans une salle préchauffée avec une consigne ventilation de 27°C, une consigne température de 29°C, et une plage de 7 degrés. Les consignes évoluent ensuite chaque lundi pour atteindre 25°C en chauffage, 27°C en ventilation après 3 semaines de présence. La puissance de chauffage est de 27.6 W par porcelet.
Observations
Le jour de la visite les animaux de la bande sevrée depuis une semaine présentent une petite toux, discrète, mais productive, sans hyperthermie.
Les 2 autres bandes en Post-Sevrage présentent les mêmes signes cliniques, qui ne rétrocèdent pas à un traitement oxytétracycline 1000 ppm via l’aliment pendant 10 jours.
Discussion avec l’éleveur, analyses et mesures
Après vérification le système de régulation de l’ambiance s’avère cohérent avec toutefois deux points faibles :
- une
puissance de chauffage insuffisante (manque 12.4 W par porcelet) - un écart trop important entre les consignes ventilation et chauffage (2°C au lieu d’1°C). |
L’influence du réglage des consignes est mise en relief par le fait qu’il a été modifié au début de l’été : l’éleveur travaillait auparavant avec un seul degré d’écart, mais trouvait que son système sous-ventilait.
Malgré ces éléments, et étant d’un naturel perfectionniste, l’éleveur souhaite vérifier d’abord la piste microbienne. Des prises de sang sont donc réalisées : 5 prélèvements à 9, 12, et 21 semaines d’âge pour des sérologies SDRP sur les trois classes d’âge, grippe H1N2 sur les deux classes d’age les plus vieilles, et grippe H1N1 et H3N2 sur la classe d’âge la plus vieille.
Résultats des examens complémentaires et conclusions
Dans le cas de cet élevage, le diagnostic est posé en deux étapes, orientées par les observations cliniques, mais aussi par le souhait de l’éleveur de se rassurer du point de vue sanitaire.
Résultats des analyses
N° |
Age |
IHA
GRIPPE HSW1N1 |
IHA GRIPPE H3N2 Chalmers |
IHA
GRIPPE H1N2 |
SDRP
(Elisa) |
1 |
9
semaines |
négatif |
|||
2 |
9
semaines |
négatif |
|||
3 |
9
semaines |
négatif |
|||
4 |
9
semaines |
négatif |
|||
5 |
9
semaines |
négatif |
|||
6 |
12
semaines |
négatif |
négatif |
négatif |
négatif |
7 |
12
semaines |
négatif |
négatif |
négatif |
négatif |
8 |
12
semaines |
négatif |
négatif |
négatif |
négatif |
9 |
12
semaines |
négatif |
négatif |
négatif |
négatif |
10 |
12
semaines |
négatif |
négatif |
négatif |
négatif |
11 |
21
semaines |
négatif |
négatif |
||
12 |
21
semaines |
négatif |
négatif |
||
13 |
21
semaines |
négatif |
négatif |
||
14 |
21
semaines |
négatif |
négatif |
Des sérologies SDRP ont été réalisées sur les cochettes (10) et sur les truies (10); tous les sérums testés en ELISA SDRP sont aussi négatifs.
Conclusions
Les résultats d’analyse sont négatifs comme le montrent le tableau ci-dessus, ce qui conforte l’idée de ne pas négliger la possibilité d’une pathologie induite par les défauts d’équipement et de réglage constatés préalablement sur la ventilation.
Il faut noter que ce type de diagnostic peut être relativement délicat à poser suivant qu’il s’agisse d’un réglage de boîtier de ventilation ou d’un dimensionnement d’entrée d’air (nombre de trous ou de champignons dans un plafond, réglage de volets sur un caisson), et la communication avec l’éleveur y joue un rôle décisif.
En effet, la remise en question impliquée peut être simplement celle des pratiques, mais peut également concerner la conception de l’installation.
Dans cet élevage, la concordance de l’historique (cf-supra), la phase d’élevage précise concernée, le caractère non contagieux entre bandes de la pathologie, la remise en question uniquement des pratiques et les résultats d’analyse négatifs facilitent la communication et l’observabilité des recommandations.
Conseils donnés
Le conseil à l’éleveur est alors de reconsidérer la piste zootechnique. Il refuse de mesurer les écarts de température journaliers dans ses Post-Sevrages, mais accepte de ramener l’écart entre ses consignes de chauffage et de ventilation à 1°C. Afin de ne plus avoir l’impression de sous-ventiler, il remonte de 5% son minimum de ventilation. Par contre la puissance de chauffage fourni au porcelet n’est pas augmentée.
Cette mesure suffit à stopper les manifestations de toux.
Evolution du cas
La pathologie respiratoire n’est pas réapparue depuis. Une visite en novembre 2005 permet de constater que les performances du premier semestre 2005 sont comparables à celles du premier semestre 2004.
1er
semestre 2004 |
2ème
semestre 2004 |
1er
semestre 2005 |
|
Age de référence | 28
à 68 jours |
28
à 66 jours |
28
à 67jours |
GMQ (g/jour) | 512 |
327 |
508 |
IC | 1,62 |
1,81 |
1,65 |
Commentaires
Ce cas de problème respiratoire en post-sevrage lié à un problème de conduite d'élevage mérite d'être disséqué.
Au premier abord, l’éleveur m’est apparu pressé, voire stressé. Présenté antérieurement par le technicien comme perfectionniste, il m’est apparu comme très inquiet par ce problème en Post-Sevrage qu’il n’arrive pas à enrayer, ceci doublé d’une lassitude devant la multiplication des visites, dont la mienne qu’il appelle pudiquement administrative. En clair je ne suis pas son ‘vétérinaire traitant’, et de plus je suis un petit jeune.
Les priorités avérées n'etant pas les mêmes. La priorité de l’éleveur est de se rassurer vis-à-vis du SDRP. La mienne est de mettre en balance les différentes hypothèses qui m’apparaissent : du défaut zootechnique (mélange de bandes, ventilation-chauffage) au microbisme (essentiellement grippe H1N2 et SDRP).
La démarche lors de la visite de l’élevage a été triple, le but étant à la fois d’évaluer l’éleveur et de le rassurer sur mon implication et les moyens mis en oeuvre:
1. Evaluer la technicité de l’éleveur. Les résultats présentés (même revendiqués), la propreté des abords et de l’élevage lui-même, l’absence de mélange de bandes, la passion du discours de l’éleveur et la multiplicité des sujets creusés m’ont convaincu d’être face à un professionnel entreprenant, averti et aguerri.
2. Evaluer la piste zootechnique. L’absence de mélange de bandes est un préliminaire important. L’évaluation de la ventilation et du chauffage avec l’éleveur (puissance des ventilateurs, nombre de trous du plafond perforé, réglage des boîtiers) laisse apparaître les deux défauts exposés dans la présentation du cas. Toutefois l’éleveur n’est pas convaincu.
3. Evaluer la piste microbienne. Le plan de vaccination en place est cohérent. Les dernières analyses SDRP remontent à 2002 (recherche anticorps 10 truies dont une positive et une douteuse et 5 charcutiers négatifs). L’exploration de la piste microbienne a été facilitée par la non frilosité de l’éleveur pour engager des frais d’analyse. Il est donc décidé de pratiquer les recherches exposées : SDRP et H1N2.
Une fois les résultats d’analyse obtenus, la question que je me suis posée était de savoir si mes hypothèses de ventilation-chauffage sont raisonnables ou si je devais explorer une piste microbienne autre (en particulier pasteurelle, voire rhinite). Ma décision a alors été de convaincre l’éleveur d’explorer lui-même la piste zootechnique. Je lui ai donc demandé de relever les écarts de température journaliers dans ses salles à l’aide d’un thermomètre mini-maxi. Il a refusé. Il a toutefois accepté de ramener ses écarts de consies chauffage/ventilation à 1°C comme avant l’été, ce qui a donné de bons résultats. Il a de plus augmenté son minimum de ventilation de 5% afin de ne plus avoir l’impression de sous ventiler.
En conclusion la difficulté première a été d’accrocher l’éleveur, de le rassurer sur mon implication et les moyens mis en œuvre. Cela a orienté mon discours dans l’élevage, la démarche devant également répondre à son inquiétude vis-à-vis de son statut sanitaire. Enfin la question principale que je me suis posée était de savoir si mon hypothèse zootechnique était réellement bien fondée, et ensuite de convaincre l’éleveur de l’explorer.gn