La rentrée européenne de cette année est bien plus intense que les années précédentes. Les industriels ont eu besoin de reconstituer leurs stocks, les cantines ont repris du service, les flux commerciaux ont retrouvé leur normalité, et, au final, la demande de viande a été excellente en septembre.
Dans notre dernier commentaire, nous prévoyions que le prix du porc baisserait, entraîné par la viande, mais cela ne s'est pas du tout produit. En août, il y avait clairement un excédent de viande pendant quelques semaines, mais en septembre, le marché a changé. Il arrive parfois que nos anticipations ne se concrétisent pas dans la réalité, car le "Marché" dépend de nombreux facteurs complexes et souvent cachés. Le prix du porc a baissé en Espagne, oui, mais dans le but d'atteindre une cotation moins élevée et plus en phase avec celles de nos voisins et partenaires européens. Ce n’est pas en raison d’une faiblesse de la consommation, ni parce que la viande a baissé, mais plutôt parce qu’avec l’arrivée prochaine d’un grand nombre de porcs à abattre, il est impératif que nos prix restent compétitifs ; nous devrons exporter des volumes importants vers les pays de l'UE, et notre viande doit être attractive.
En Italie, de graves problèmes persistent à cause de la présence de la PPA sur son territoire. Les abattoirs italiens en pâtissent, et les besoins en viande importée ont augmenté. Il est probable que cette situation se prolonge, car la PPA est loin d’être maîtrisée. La pénurie partielle dans l’industrie a fait exploser les importations italiennes. Rappelons ici que l'Italie fait partie du prestigieux "Club du million de tonnes", puisqu’avec la Chine, le Japon et le Mexique, elle forme ce groupe de quatre pays qui importent plus d’un million de tonnes chaque année. Cela représente plus de 1 000 camions de 20 tonnes chaque semaine.
Avec une demande italienne accrue et l'Europe de l'Est réclamant plus de viande que d'habitude, la situation s'est avérée assez favorable, tant pour les abattoirs espagnols (le porc baisse, la viande se maintient ou augmente légèrement) que pour les éleveurs. Il est possible que cette bulle inattendue de demande soutienne les prix du porc pour le reste de l’année à un niveau plus élevé que ce que nous avions prévu. De bonnes perspectives, donc.
Voyons ce qui s'est passé avec les prix du porc dans l'UE ces six dernières semaines (prix équivalents en kilos vif selon Mercolleida) :
Pays | Prix le jour 16 août (€/kg vivo) | Réel | Différence |
---|---|---|---|
Espagne | 1,82 | 1,68 | - 14 |
France | 1,69 | 1,55 | - 14 |
Belgique | 1,61 | 1,61 | = |
Alemagnea | 1,57 | 1,57 | = |
Pays Bas | 1,57 | 1,55 | - 2 |
Danemark | 1,31 | 1,32 | + 1 |
On observe un réalignement de notre prix avec le reste du peloton européen, bien que nous restions toujours en tête. Le Danemark reste bien en retrait (même s'il a augmenté hier de 6 centimes par kilo carcasse…).
Il ne nous reste plus qu’à attendre et voir jusqu’où notre cotation descendra. À ce stade (avec la viande toujours ferme jusqu'à présent), il nous semble hautement improbable d'atteindre les 1,50 euros/kilo en vif, comme nous le suggérions il y a un mois. Il semble que le prix minimum de l'année sera plus élevé. Maintenant, que ce soit un peu, beaucoup, ou énormément plus élevé, cela reste à voir.
Nous expliquerons ici ce que nous n’avons pas clarifié dans nos précédents commentaires. Nous disions que, ces dernières années, la production espagnole a augmenté, tandis que dans presque tous les autres pays membres de l'UE, la production a diminué. Comment cela est-il possible ? À notre avis :
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L'abattoir agit comme un filtre commercial pour l'accès au marché (en plus d'être un filtre sanitaire) pour les porcs vivants ; la viande peut être exportée partout dans le monde, les porcs vivants non. La viande peut être congelée, les porcs vivants non.
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Si le filtre dans le pays A a des coûts de 50 centimes par kilo et que celui du pays B fonctionne avec des coûts de 90 centimes par kilo, il est évident que les éleveurs du pays A auront plus de chances de valoriser leurs porcs. Cela paraît complètement évident.
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Aujourd'hui, l'accès aux marchés lointains est généralisé et presque tous les pays exportent partout (sauf ceux touchés par la PPA).
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Dans l'UE, malgré le marché unique, il existe des formes très variées d'organisation des abattages porcins. Il est peut-être temps que de nombreux opérateurs se regardent dans le miroir et s’interrogent dans un exercice d'introspection serein et honnête.
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Depuis des années, nous affirmons dans ce forum, et ailleurs, que la majorité des abattoirs espagnols sont très efficaces : à notre avis, c'est l'une des clés du succès de la filière porcine espagnole.
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Si les éleveurs gagnent de l'argent, ils chercheront à se développer autant que possible. Si leurs comptes sont dans le rouge, ils fermeront des exploitations ou réduiront leur activité. Nous pensons que c'est ce qui s'est passé et ce qui continue de se passer. Clairement, sans aucun doute.
Pour conclure, nous nous concentrerons sur le fait que persister, persévérer et insister sont des concepts essentiels au succès de notre filière porcine. Nous empruntons une maxime d’Ovide : « La goutte d’eau creuse la pierre, non par sa force, mais par sa persévérance », ou, dans une version de le proverbe : « À force de persévérer, on finit par réussir ».
Guillem Burset