Nous savons que chaque année en été, le prix du porc en Espagne est sur le podium européen, comme étant le plus cher du continent parmi les pays à forte production. Néanmoins, ce qui se passe cette année est sans précédent et sans pareil.
Regardons de plus près (loupe) les prix européens de ce mois de juillet. Nous exprimons les prix en euros/kg en vif afin de rendre la comparaison plus évidente et plus facile à comprendre :
Allemagne | Pays-Bas | Belgique | Mercolleida | |
---|---|---|---|---|
1ª Semaine | 1,22 | 1,05 | 0,97 | 1,328 |
2ª Semaine | 1,11 | 1,05 | 0,97 | 1,322 |
3ª Semaine | 1,11 | 1,05 | 0,94 | 1,300 |
4ª Semaine | 1,11 | en attente | 0,94 | 1,300 |
La Belgique montre une déconnexion totale, avec un prix plus bas que le reste de l'Europe en raison de la présence de PPA sur son territoire. Cette circonstance limite fortement les exportations de cette viande et pèse comme une chape sur le prix du porc sur ce marché.
La majeure partie du mois, nous avons eu en Espagne le prix de 25 centimes de plus qu'en Hollande (sans parler de la différence de 36 centimes avec la Belgique !) et environ 20 centimes de plus qu'en Allemagne. Cela semble incroyable mais c'est vrai. Et bien que ce soit une lapalissade : si cela s'est produit et se produit, c'est parce que ce n'est pas impossible.
Les abattoirs espagnols sont extrêmement efficaces et remarquablement compétents. Ce sont de véritables champions de l'excellence, virtuoses de l'efficacité. Mais même ainsi, de telles différences exagérées sont impossibles à digérer. Il n'est pas possible de payer les porcs 20 centimes par kilo de plus que la concurrence et de gagner quand même de l'argent.
Pour mettre les choses en perspective, pensons que l'Espagne abat environ 1.000.000 de porcs chaque semaine ; 20 centimes par kilo représente le chiffre non négligeable de 20 millions d'euros (chaque semaine ! Tic-tac, tic-tac...). Qui sont dans la poche des agriculteurs et sont sortis de la poche des abattoirs. C'est le cas actuellement.
L'arrivée de la chaleur estivale provoque toujours un ralentissement du métabolisme des porcs ; à cette raréfaction naturelle de l'offre, s'ajoute cette année un nouveau puits de demande sans fond : le nouvel abattoir de grande taille de Binéfar. Ces deux facteurs, ainsi que l'effondrement de l'Allemagne (dû à la fermeture de la plus grande usine de Tönnies à cause de la COVID-19), ont conduit à un écart sans précédent.
La situation actuelle est très délicate. L'importation de bovins vivants destinés à l'abattage et l'importation de viande et de morceaux sont encouragées, et ces importations arrivent ici à des prix qui ne sont plus compétitifs mais directement cassants. En outre, nous devons garder à l'esprit que les abattoirs sont dans le rouge. Et sans huile (profits), les moteurs surchauffent d'abord, puis tombent en panne ou explosent.
Nous pensons que le prix allemand n'augmentera pas définitivement tant que la Chine n'aura pas décidé d'acheter massivement. Actuellement, la Chine importe des carcasses des États-Unis à un très bon prix (aux États-Unis, une bourse des bovins retardés de plus de 3.000.000 de têtes a été créée ; aujourd'hui, ils sont abattus en partie chaque semaine). Ce flux de carcasses bon marché pourrait très bien durer encore quelques mois. Bien que... de nombreux signes indiquent que les relations diplomatiques sino-américaines sont du type amour-haine et, à l'heure actuelle, tous les scénarios sont ouverts, y compris celui de l'interdiction soudaine des importations chinoises de porc américain.
Le prix en Espagne va encore baisser (on ne peut pas rester là en attendant que l'Allemagne monte, ce n'est pas possible) et il est probable que l'Allemagne augmente un peu à court terme (car Tönnies de Rheda retrouve son rythme d’abattage). Jusqu’à fin septembre, il ne semble pas que la Chine montrera à nouveau un grand intérêt pour les achats.
L'éleveur espagnol a su résister aux orages et surfer sur les tempêtes sur le dos d'abattoirs ultra performants (parfois sans en avoir vraiment conscience) qui, sur la base de coûts extrêmement affinés (clef), ont historiquement pu payer les porcs un peu plus que sur d'autres marchés. Cela a été le cas année après année. À notre avis, c'est l'une des raisons de la croissance ininterrompue du cheptel porcin espagnol. N'oublions pas que le reste des pays producteurs en Europe sont en nette régression. Comme il s'agit d'une tendance accumulée au fil des ans et non d'une anecdote, une raison fondamentale doit exister. Pour l'instant, et comme on le démontre actuellement semaine après semaine, il semble qu'en Espagne nous vivions sur une "Île au Bonheur" en ce qui concerne la production porcine... Le prix actuel ressemble plus à un "Monument au prix" qu'à autre chose. Pour le contempler, il faut lever les yeux vers le haut... d’où que ce soit.
Il n'est pas sage de tuer - même au sens figuré - la poule aux œufs d'or. Rappelons ici le proverbe classique : "qui trop embrasse, mal étreint". Nous considérons qu'il est de notre devoir de faire appel à la prudence, à la modération et à la pondération, à la retenue et au possibilisme, en évitant les maximalismes qui sont, par définition, extrêmes.
L'incomparable maître Confucius (penseur et philosophe chinois) disait déjà il y a plus de 2.400 ans : "L'homme qui a fait une erreur et ne la corrige pas en commet une plus grande".
Guillem Burset