L’infection par Strep suis est bien connue en tant que cause de maladie sur les jeunes porcs : elle produit des problèmes cliniques qui vont de problèmes articulaires jusqu’à des méningites et de la septicémie. On pense aussi qu’elle contribue pathologiquement à la polysérosite sur les jeunes porcs causant des lésions mises en évidence à l’abattoir comme la pleurésie, la péricardite, etc. …
On connaît beaucoup de souches et de sérotypes dont la pathogénicité varie de grave à opportuniste alors que certaines sont purement commensales.
Pendant les 25 dernières années, Strep suis de type 14 a été associé à de la polyarthrite chez les jeunes porcelets (pathologie articulaire) au Royaume-Uni produisant souvent des épisodes spectaculaires de boiteries sur des porcelets de 2 à 4 semaines de vie. Ce cas clinique décrit l’un de ces épisodes qui a entraîné de graves conséquences pour les porcs.
Description de l'élevage
Il s’agissait d’un élevage producteur de porcelets avec 320 truies en plein-air. Les truies étaient conduites en lot toutes les 3 semaines pour produire 450 porcelets sevrés chacun mais comme l’insémination était peu rigoureuse, les mises-bas étaient étalées sur plus de 14 jours, faisant qu’au sevrage, les porcelets oscillaient entre 18 et 35 jours avec une moyenne de 26 jours.
Figure 1 : système typique de plein-air.
Les truies étaient saillies en groupe par IA dans les cases en plein-air dans lesquelles chaque lot était divisé en 2 groupes, un grand et un petit. Les nullipares étaient aussi inséminées en plein-air et étaient incorporées séquentiellement aux lots de mise-bas (toutes les 3 semaines). On ne programmait pas leur venue en chaleur mais on les laissait venir naturellement.
Le statut sanitaire de l’élevage était très basique, étant donné la présence de M.hyopneumoniae, SDRP et PCVAD, et on vaccinait systématiquement contre M. hyo et le PCV2 au sevrage. La productivité de l’élevage était modeste avec un taux de mises-bas au-dessous de 80%, un taux de mises-bas de 2,2 comme maximum avec une moyenne de 9,5 sevrés par portée. Ainsi chaque lot dépassait difficilement les 400 porcs.
Les mises-bas étaient en plein-air dans des refuges semi-cylindriques dans des cases de 12 truies alors que les nullipares mettaient bas dans des cases individuelles.
L’élevage avait commencé 4 ans auparavant, sur des terrains qui avaient été cultivés auparavant. Il y avait un seul soigneur avec de l’expérience qui travaillait la journée complète et qui comptait à temps partiel sur l’aide du propriétaire ou d’un paysan qui n’avaient aucune expérience des porcs. Les truies de renouvellement qui entraient tous les deux mois provenaient de la même origine qui a servi à commencer l’élevage.
Après le sevrage, les truies revenaient dans les cases d’insémination/sèches et les porcelets étaient divisés en 4 « nids » en groupes de + de 100 où ils restaient pendant 38 jours. Ensuite, ils étaient transférés et réunis dans un bâtiment sur paille où ils restaient pendant 20 jours et d’où ils étaient transférés vers un élevage d’engraissement indépendant. L’aliment starter des sevrés contenait 3,1 kg/T d’oxyde de zinc mais on n’ajoutait aucun autre antimicrobien.
Figure 2 : Nids en plein-air où sont logés les porcs du sevrage jusqu’à 9 semaines de vie.
Problèmes initiaux
Selon le soigneur, et comme on le notait sur les registres, le premier problème est arrivé sur le lot 66 dans lequel la mortalité des porcelets est montée d’une valeur moyenne de 14% des nés-vivants jusqu’à 18%. De plus, environ 20 porcs de différentes portées avaient été traités avec de la pénicilline/streptomycine pour des problèmes articulaires. La réponse au traitement fut maigre. Une consultation du vétérinaire local a fait qu’à partir du lot 67, on a modifié le traitement avec de l’ampicilline injectable sur les porcelets atteints qui étaient boiteux dès deux semaines de vie. Le nombre de porcelets atteints dans le lot 67 fut semblable à celui du 66 mais, quand le lot 68 est arrivé à deux semaines de vie, le nombre de porcelets touchés a dramatiquement augmenté et on a appelé le vétérinaire.
Figure 3 : cas aigu de Strep suis de type 14 sur un porcelet de 2 semaines de vie.
Au moins 25% des porcelets de 2 à 3 semaines étaient boiteux, certains tellement atteints qu’ils étaient allongés dans les refuges, tremblants, et étaient incapables de se mettre debout. La réponse à l’ampicilline sur le lot précédent avait montré être plus efficace c’est pourquoi on a recommandé une injection en masse sur tous les porcelets du lot 68. Les enregistrements suivants ont montré que la mortalité pré-sevrage sur le lot 68 dépassait les 20% mais chez les porcelets qui ne sont pas morts, la récupération fut bonne. L’analyse des échantillons articulaires prélevés à l’autopsie des porcelets touchés a été positive en Strep suis de type 14 sur 4 des 9 échantillons. On n’a pas pu préciser combien d’échantillons provenaient de porcelets traités.
Sur les lots suivants, des pourcentages semblables se sont reproduits et on a appliqué le même traitement. Cependant, en transférant le lot 68 des nids vers les cases sur paille, il est arrivé une grave complication et on a demandé immédiatement un second avis.
Figure 4 : porcelets sevrés dans la grande case sur paille pendant les 2 semaines précédant la vente.
Complications de la maladie
Le transfert des porcelets vers la case sur paille s’est fait avec une remorque en quatre groupes. Les deux premiers groupes ont été chargés dans les nids sans problème. Cependant, quand on a déchargé le second groupe, on a noté qu’environ 6 porcs du premier groupe étaient complètement boiteux d’une patte arrière. Quand on a déchargé le second groupe, les porcelets ont commencé à courir sur la paille et à se poursuivre de façon normale. L’éleveur a insisté pour que tous les porcs soient bien descendus de la remorque mais en quelques minutes, au moins 10 porcs étaient très boiteux, la plupart d’une seule patte.
On a arrêté immédiatement le transfert et le vétérinaire est arrivé en 3 heures.
A son arrivée, il y avait 19 porcelets atteints d’environ 20 à 25 kg qui avaient été séparés du groupe principal. L’examen clinique a montré que deux des porcs avaient une boiterie complète sur une seule extrémité postérieure, un était en position de chien assis et l’autre était complètement boiteux de sa patte arrière droite. La manipulation de l’articulation de la hanche et du genou a montré que chaque porc avait une fracture instable sur une des articulations. Le porc en posture de chien assis avait une fracture bilatérale du col du fémur.
Tous les porcs ont été immédiatement euthanasiés.
Figure 5 : Tête du fémur facturée sur un des porcs atteints (gauche) et fémur normal (droite).
Figure 6 : Tête de fémur complètement fracturée au niveau ou sous l’épiphyse montrant un gonflement autour de la fracture due à une périostite.
L’inspection des deux groupes de porcs qui étaient encore dans les nids en plein-air n’a pas révélé de boiteries évidentes et le troisième lot fut soigneusement chargé et transféré vers la case. Quand on les a déchargés et fait descendre en courant sur la rampe jusqu’à la paille, on a vu certains boiter sur leurs pattes arrières et ensuite se relever mais en gardant une patte levée. Quatre porcs de ce groupe avec fractures ont été immédiatement euthanasiés. On n’a pas permis au quatrième groupe de courir vers la paille en effectuant un déchargement plus contrôlé. Ils ont été logés dans une petite case et on n’a pas observé de boiteries sur aucun.
Autopsies
On a réalisé des autopsies sur 15 des porcs euthanasiés. Il n’y avait rien de notable dans les cavités corporelles.
Dans tous les cas, il y avait une hémorragie étendue autour des os longs sur les extrémités affectées. Les superficies du fémur proches des zones fracturées (proximal ou distal) étaient rugueuses et gonflées généralement en-dessous des plaques épiphysaires qui semblaient être associées aux fractures spontanées.
L’analyse postérieure au laboratoire n’a révélé aucune infection active mais une large périostite en formation et de l’ossification.
Recommandations
On a laissé sortir dans la case le reste du groupe de porcs et au bout de deux heures un seul porcelet a souffert d’une fracture spontanée. Le nombre total de fractures a été de 26 avant que le lot ne soit vendu 3 semaines plus tard, après un traitement avec de l’aspirine dissoute dans l’eau.
Les deux lots suivants (69 et70) ont reçu de la pénicilline V dans l’aliment respectivement pendant 14 et 38 jours et de l’aspirine dissoute dans l’eau pendant 7 jours. Les truies de maternité ont aussi été traitées avec du TMP-Sulfa dans l’aliment.
En questionnant le soigneur, il nous a révélé que la plupart des porcelets de la salle de mises-bas qui devaient être traités avaient reçu une seule dose d’ampicilline due à un excès de travail/peu de temps/difficulté pour les attraper ou les maintenir.
On a changé le traitement par de l’amoxicilline longue action avec un minimum de deux doses espacées de 48 heures.
On n’a pas détecté de problème sur les lots 69 et 70 après le début du traitement ni sur aucun des lots suivants. Les portées nées de truies qui avaient reçu l’aliment médicamenteux depuis la mise-bas ont vu une diminution spectaculaire des problèmes articulaires (du lot 72 désormais). Trois mois après, on a éliminé l’antibiotique de l’aliment sans récidive. Le traitement avec l’aspirine a aussi cessé et on a recommandé d’améliorer le programme des saillies pour essayer de diminuer la différence d’âge des porcelets au sevrage.
Discussion
Les épisodes inhabituels et frappants de fractures spontanées d’os longs ne peuvent pas être complètement expliqués. Cependant, on a supposé qu’elles puissent être associées à de la polyarthrite préalable due à l’infection par Strep. suis de type 14 qui a été traitée de façon inadaptée. Il semble probable qu’une seule dose d’ampicilline à courte action, bien que ce soit suffisant pour atténuer la boiterie aigüe à14-21 jours de vie, n’ait pas réussi à éliminer l’infection qui semblait avoir pénétré au travers des membranes synoviales jusqu’aux tissus du périoste entraînant un affaiblissement sous l’épiphyse qui a entraîné les fractures quand l’activité des porcelets a augmenté après le transfert.
La majeure partie des fractures ont touché le fémur proximal ou distal mais on n’a pas pu expliquer pourquoi il n’y a pas eu d’autres os touchés.