Mortalité avant sevrage et gestion des porcelets en maternité – la situation en Asie
La mortalité des porcelets avant sevrage est l’un des principaux défis de l’industrie porcine mondiale. L’introduction de races de truies hyper-prolifiques a entraîné une augmentation du nombre de porcelets nés vivants et sevrés. Cependant, dans le même temps, la mortalité est en augmentation, oscillant entre 10 et 20 % dans les principaux pays producteurs de porcs. INTERPIG rapporte que ce paramètre est de 13,8 % en Europe (pour 15,2 porcs nés vifs) et de 15,8 % aux USA (pour 13,9 nés vifs), ce qui signifie une perte moyenne de 2 porcelets par portée pendant la période de lactation. Les propres données de Tonisity sur près de 100 000 porcs (91 études dans 23 pays) montrent une mortalité moyenne de 10,7 % pour une taille de portée de 12,2 porcs. Uniquement en Europe, la mortalité avant sevrage dans 41 études différentes (31 265 porcs) est également de 10,7 % ; elle est de 12,5% aux USA (43 719 porcs dans 21 études différentes).
Comme partout ailleurs, la taille des portées a augmenté ces dernières années en Asie, et cette tendance entraîne souvent une mortalité plus élevée. En outre, l'un des défis pour les éleveurs de porcs en Asie, et notamment sous les tropiques, est de pouvoir maintenir la consommation alimentaire des truies pendant la lactation et de contrecarrer les effets négatifs du stress thermique. La production laitière de la truie est affectée, ce qui augmente le risque de mortalité des porcelets.
Nous n’avons pas trouvé de données officielles sur la mortalité en Asie, et seulement quelques publications sur ce sujet. Le but de cet article est donc de donner un aperçu de la situation actuelle dans plusieurs pays asiatiques et comprendre ce que les producteurs mettent en place pour tenter de réduire cette mortalité. Les informations dont nous discutons par la suite sont principalement basées sur le retour d’expérience d’experts techniques, ainsi que sur certaines données, publiées ou non.
Chine
Avec environ 50 % de la production mondiale, la Chine est de loin le plus grand marché porcin au monde. Globalement, le nombre de porcelets nés vifs varie considérablement, mais 11-12 est assez normal et les bons élevages atteignent 12 à 14. Mais de nos jours, il n'est pas rare que certaines fermes aient plus de 15 porcelets par portée.
Selon les données d’essais conduits par Tonisity, la mortalité avant sevrage en Chine se situe généralement entre 4 et 6 %, mais ceci est après l’euthanasie des porcs les plus petits (moins de 0,8 kg) à la naissance, une pratique courante dans plusieurs pays asiatiques. Dans l'un de nos essais, aucune euthanasie n'a été effectuée et la mortalité observé était de 12,6 % (avec 11,8 porcelets nés vivants). On peut estimer que la mortalité est généralement supérieure à 10 % toute l'année (de 11 à 18 %), mais cela inclut les porcelets sacrifiés à la naissance. L'une des raisons de cette pratique est que le nombre de porcelets faibles au sevrage est l'un des critères utilisés pour évaluer les performances du personnel en élevage. Étant donné qu'environ 4 à 5 % des porcelets nés sont considérés comme non viables et éliminés, la mortalité mesurée se situe généralement autour de 5 à 7 %.
L'aliment complémentaire est généralement administré du 8e au 10e jour jusqu'au sevrage entre 21 et 24 jours. Les aliments d'allaitement ne sont pas couramment utilisés, sauf chez les petits porcs (à partir du troisième jour). Avant le sevrage, le personnel essaie d'apprendre aux porcelets faibles à boire du lait et peut leur fournir des traitements médicamenteux spécifiques, mais ces porcelets pourraient être euthanasiés s'ils sont trop faibles, ou élevés sous une truie différentes. La pratique courante consistant à séparer les porcs faibles est effectuée vers l'âge de 7 jours, puis à nouveau vers l'âge de 14 jours. Ensuite, ces porcs faibles sont sevrés avec les porcs normaux, mais seront regroupés séparément en post sevrage. Les porcelets faibles sont alors généralement nourris avec une bouillie en plus de l’aliment sec, pour leur apporter des nutriments supplémentaires.
Taïwan
Le directeur de l'Institut de recherche sur l'élevage du Conseil de l'agriculture, le Dr Huang Zhenfang, a souligné que le taux de mortalité des porcs à Taiwan se situe entre 15 % et 40 % et que la majorité des pertes surviennent en maternité et en post sevrage. Cependant, Taïwan ne dispose pas de données officielles sur les taux de mortalité avant sevrage. D'après notre expérience de terrain, il se situe généralement entre 15 % et 20 %.
Le problème est que la plupart des élevages, en particulier les petites exploitations, ne collectent pas de données détaillées tout au long du processus de production porcine. Cela pourrait être dû à un manque de main-d’œuvre ou à la conviction qu’un suivi statistique n’est peut-être pas nécessaire. Cependant, ces derniers temps, on a assisté à un déclin rapide des petits élevages, avec une augmentation des entreprises de grande taille. Celles-ci sont plus enclines à enregistrer et à analyser les données pour améliorer leur efficacité.
Certaines fermes peuvent choisir de sacrifier les porcs nés trop faibles ou trop petits. Les critères de décision peuvent varier d'une ferme à l'autre ou dépendre du jugement du personnel sur place. D’après leur expérience, ces porcelets nés petits ont tendance à avoir des taux de mortalité élevés et le coût de leur élevage est relativement élevé. Pendant la phase de post sevrage, les porcs malades ou plus faibles sont généralement isolés dans un enclos séparé pour faciliter la gestion et l'observation, faciliter les soins et prévenir la propagation des maladies . Certaines fermes administrent des électrolytes, des substituts de lait ou utilisent des médicaments solubles (par exemple des antibiotiques). Parfois, des injections supplémentaires peuvent également être administrées aux porcs malades ou affaiblis.
À Taïwan, nous estimons qu'environ la moitié des fermes utilisent du lait d'allaitement et de l'alimentation complémentaire, généralement environ une semaine après la naissance. Cependant, certains éleveurs sont convaincus qu'il est important de permettre aux truies d'élever leurs porcelets sans dépendre d'une nutrition supplémentaire, ils se concentrent donc sur l'ajustement de la formule alimentaire des truies et de la gestion des porcelets pendant la mise bas.
Thaïlande
Nuntapaitoon et al (2018) ont rapporté que la mortalité parmi 47 élevages porcins Thaïlandais était de 11,2 % et variait de 4,8 % à 19,2 %. Comme prévu, la mortalité augmentait avec l'augmentation de la taille des portées, ce qui était également corrélé à un nombre plus élevé de porcelets de faible poids à la naissance (0,8 à 1,3 kg). Dans 10 essais organisés par Tonisity, la mortalité enregistrée était comprise entre 7,3 et 18,5 %.
Sur la base de nos discussions, nous pouvons affirmer qu'actuellement la mortalité est d'environ 15%, pour une portée de 14 porcelets. Un taux de mortalité plus élevé est observé pour les porcelets de faible poids à la naissance (moins de 1,2 kg) et pour cette raison, en fonction des conditions du marché, certains producteurs élimineront les porcelets présentant un risque plus élevé de mortalité.
Donner une alimentation complémentaire est une pratique courante, mais l'utilisation de substituts de lait n'est pas populaire. Ils sont principalement administrés dans des cas spécifiques, par exemple lorsque les truies ont une faible production de lait, principalement à cause de soucis de de santé, ou parfois sur des portées de cochettes.
Pour essayer de réduire la mortalité avant sevrage, le personnel des élevages utilise des solutions spécifiques, telles que des boosters d'énergie. Ils utiliseront également des additifs pour encourager la consommation d’aliments sous la mère. Cependant, pour des raisons de coût, et si la cause principale du problème est microbienne, certains agriculteurs préfèrent recourir aux antibiotiques (voie orale ou injectée) avant d'envisager d'autres produits. Dans les entreprises intégrées et de grande taille (3 entreprises représentent environ 70 % de la production totale), des programmes spécifiques de soins et de gestion sont utilisés pour les porcs plus petits et plus faibles.
Philippines
Aux Philippines, les porcelets sont généralement classés en fonction de leur poids à la naissance. Les porcelets de classe A pèsent plus de 1,5 kg, les porcelets de classe B entre 0,8 et 1,5 kg et les porcelets de classe C pèsent moins de 0,7 kg. L’objectif est que les classes A et B combinées constituent au moins 85 % de la population. Le nombre de porcelets nés vifs varie de 9 à 12 dans la plupart des cas et une mortalité typique serait d'environ 5 à 8 %, et dans les cas problématiques, elle serait plus élevée. L'abattage des petits porcelets est effectué le plus tôt possible et enregistré séparément, ce qui représente une mortalité supplémentaire de 3 % ; cependant, la plupart des élevages tentent de sauver ces petits porcelets. Lors des adoptions, il arrive parfois que les porcelets légers soient regroupés et attribuées à des truies de deuxième ou même de premier rang de portée, pour profiter d'un meilleur potentiel laitier et de la qualité des tétines.
Certaines fermes donnent des suppléments de lait aux portées de petits, ou prolongent l'âge au sevrage d'une semaine supplémentaire. La distribution d’un aliment sous la mère commence dès 10 à 12 jours d’âge, et les meilleurs résultats sont obtenus avec une alimentation en bouillie.
Afin de réduire la mortalité avant le sevrage, la première étape consiste à déterminer les causes, sont-elles liées à des maladies, à des problèmes de gestion ou d'installation, d'alimentation ou la nutrition, ou une mauvaise procédure de nettoyage et de désinfection. Des actions correctives sont ensuite mises en œuvre, telles qu'une supervision appropriée (par exemple, surveillance pendant la mise bas pour éviter la mortinatalité), l'amélioration de la structure des cages de mise bas (pour éviter les écrasements, minimiser les courants d'air, un éclairage/chauffage approprié pendant la mise bas), le traitement de la truie avec des médicaments ou la vaccination (SDRP, parvo ou infections bactériennes) pour prévenir la transmission verticale des maladies, l’emploi de médicaments pour traiter les problèmes entériques (coccidiose, E. coli). Une bonne nutrition des truies ainsi qu'une bonne hygiène et un bon nettoyage sont d'autres points qui sont améliorés si nécessaire.
Viêt Nam
Au Vietnam, la pratique courante est que tous les porcelets ayant un faible poids à la naissance (moins de 800 grammes) sont euthanasiés. Les porcelets pesant entre 800 grammes et 1 200 grammes recevront des soins particuliers. En 2018, Nguyen et al. ont publié une analyse des performances reproductives d'une lignée porcine croisée (truie GF24) sur 20 295 portées provenant de 165 élevages. La mortalité avant sevrage, basée sur le nombre de porcelets nés vifs (12,1 porcelets/portée) était de 13,2% tandis que la mortalité basée sur les porcelets « sélectionnés » (11,2 porcelets/portée) était de 6,0%, ce qui correspond à ce que l'on observe habituellement sur le terrain (5 à 8%). L'analyse de la mortalité avant sevrage basée sur le système de logement (fermé ou ouvert) a montré qu'un pourcentage plus élevé de porcelets étaient perdus dans le système fermé (15,4 % contre 12,8 %, sur la base des nés vifs), ce qui s’explique par une taille de portée plus grande dans le système fermé.
Pour réduire le taux de mortalité avant sevrage, les élevages appliquent une combinaison de mesures, telles que les adoptions en fonction de la taille de la portée et du poids des porcelets, ainsi que des performances de lactation de la truie. Ils utilisent également certains antibiotiques et additifs pour prévenir les maladies et améliorer la résistance des porcelets, ainsi que des compléments nutritionnels dans des cas spécifiques. L'aliment sous la mère est utilisé dans presque tous les élevages, à partir de 5 jours d’âge. Quant aux aliments d’allaitement, leur utilisation est également relativement courante.
Résumé de la situation en Asie
À l’échelle mondiale, la tendance continue à l’augmentation de la taille des portées a coïncidé avec une mortalité avant sevrage plus élevée. Les producteurs asiatiques sont confrontés à des problèmes similaires.
En Chine, la mortalité varie généralement de 4 à 6 %, bien que des pratiques telles que l’euthanasie des petits porcelets à la naissance influencent ces chiffres. Taïwan est confronté à un taux de mortalité compris entre 15 % et 20 %, tandis que la Thaïlande rapporte un taux de mortalité compris entre 7 % et 20 %, en corrélation avec une augmentation de la taille des portées. Aux Philippines, où un système de classification basé sur le poids à la naissance est utilisé, la mortalité est d'environ 5 à 8 %. Le Vietnam, comme d’autres pays, doit gérer des porcelets de faible poids à la naissance, recourant à des stratégies d’abattage et à une combinaison d’interventions pour réduire la mortalité.
Dans ces pays, les pratiques courantes incluent l’utilisation d’aliments complémentaires, le recours limité aux aliments à base de lait et l’utilisation occasionnelle d’antibiotiques. Le défi du maintien de la consommation alimentaire des truies pendant la lactation, associé à l’impact du stress thermique, est d’actualité dans toute la région. Des pratiques telles que l’euthanasie, ou la mise en œuvre de programmes de soins spécifiques pour les porcs plus petits et plus faibles, sont répandues.
En conclusion, l’augmentation de la mortalité sous la mère est un problème global dans la région, nécessitant la collaboration et un partage des connaissances au sein de l’industrie afin de trouver les meilleures solutions. Relever ces défis nécessite une approche multidimensionnelle englobant des stratégies nutritionnelles, des interventions sanitaires et des pratiques de gestion différentes. En tirant collectivement les leçons de ces expériences, l’industrie porcine asiatique peut chercher des solutions plus efficaces, améliorant ainsi les taux de survie des porcelets et assurant un développement plus durable de la production.
Les recommandations de Tonisity pour une bonne gestion des porcelets en maternité
Gestion des truies et des porcelets pour une santé optimale et une survie accrue
Une gestion efficace des truies et des porcelets est cruciale pour garantir des performances futures. En mettant en place des pratiques nutritionnelles solides, des stratégies de gestion du colostrum et des soins attentifs aux porcelets dès le premier jour, les responsables d’élevages peuvent réduire significativement la mortalité des porcelets et créer les conditions propices à un troupeau géré efficacement.
Nutrition à la mise bas :
Pour soutenir un processus de mise bas sans accroc et augmenter les niveaux d'énergie des truies, il est impératif de se concentrer sur leur nutrition. De nombreuses truies peuvent manquer d'apports en énergie pendant la mise bas, impactant négativement le processus et sa durée. Mettre en place une alimentation appropriée, idéalement deux semaines avant la mise bas, peut faire une différence significative. Offrir au moins trois repas par jour en fin de gestation, avec une teneur en fibres d'au moins 500 g par jour, aide à maximiser les niveaux d'énergie. Cette transition vers une alimentation riche en fibres réduit également le risque de mammite, de métrite et d'agalaxie (MMA), tout en aidant à soulager la constipation.
Maximiser l'apport alimentaire en lactation :
Une nutrition adéquate se poursuit pendant la période de lactation, où des pratiques alimentaires appropriées sont essentielles. Dès le premier jour après la mise bas, augmentez progressivement les quantités d'aliment, atteignant environ 4 kg le jour 5 et 8 kg le jour 14 de la lactation. Pour stimuler l'apport, essayez de diviser la ration quotidienne en 3 à 4 repas par jour. Vérifiez et nettoyez régulièrement les mangeoires pour éviter les moisissures, et entraînez les cochettes pour optimiser leur comportement alimentaire. Une eau de qualité, disponible en quantité suffisante, est également cruciale.
Gestion du colostrum :
Le colostrum joue un rôle crucial dans l'immunité des porcelets, et sa gestion efficace est vitale. Idéalement, les porcelets devraient rester avec leur mère, mais en pratique, les petits porcelets peuvent être transférés à une truie de 2e ou 3e mise rang de portée pour faciliter la tétée. Identifiez les truies appropriées pour ces transferts et utilisez l’allaitement alterné pendant les deux premiers jours. Dans les grandes portées, envisagez l’allaitement alterné, l’allaitement assisté ou l’administration manuelle du colostrum pour garantir une prise adéquate. À la fin de la journée ou lorsque les truies ont fini de mettre bas, établissez les portées. Ne déplacez pas les porcelets une fois qu'ils ont établi leur ordre de tétée.
Soins du premier jour pour les porcelets :
Initiez les soins du premier jour en plaçant les porcelets dans une boîte avant la première tétée. Lorsque la truie a fini de manger et est couchée, libérez les 10 plus petits porcelets ou ceux avec un cordon ombilical mouillé, leur permettant au moins 1 heure pour la prise de colostrum. Libérez ensuite tous les porcelets et effectuez un équilibrage de la portée une fois que tous ont eu du colostrum et ont un cordon ombilical sec. Minimisez les déplacements, car le colostrum venant de la mère naturelle du porcelet est la meilleure garantie d'une immunité élevée. Comptez les tétines fonctionnelles et assurez-vous d'avoir le nombre approprié de porcelets sous la truie. Le déplacement en temps opportun des porcelets affamés est crucial.
Première semaine de vie :
Pour garantir un bon développement intestinal et réduire la mortalité, donnez le Tonisity Px à toutes les portées (500 ml par portée et par jour, du jour 2 au jour 8 de vie).
Références :
Huang, Zhenfang, 2023. Prospects and education for pig breeding industry in 2023 - Success rate improvement strategy. Presentation from the Taiwan Research Livestock Institute.
InterPIG Consortium. Interpig pig performance report 2023.
Nguyen Tien Thanh, Randolph Reinecker Zoerb and Do Vo Anh Khoa, 2018. Reproductive Performance of a New GF24 Female Gilt Line Reared under Different Conditions in Vietnam. Asian Journal of Animal Sciences, 12: 23-29.
Nuntapaitoon, M.; Tummaruk, P. Factors influencing piglet pre-weaning mortality in 47 commercial swine herds in Thailand. Trop. Anim. Health Prod. 2018, 50, 129–135.
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